Origine et histoire de l'Abbaye Saint-Père-en-Vallée
Le Monasterium S. Petri Carnotensis doit être compris comme « Saint-Pierre » et non « Saint Père ». Fondée ou dotée au milieu du VIIe siècle par la reine Bathilde hors des murs de Chartres, l'abbaye devint un établissement bénédictin et adhéra à la congrégation de Saint-Maur en 1650. Dans les années 840, un conflit violent avec l'évêque Hélie contraignit les moines à s'exiler à Saint-Germain d'Auxerre. L'abbaye fut ruinée à deux reprises par des Normands, en 858 puis par Rollon en 911, puis restaurée vers 930 par l'évêque Haganon, qui la dota de fortifications dont subsiste une tour carrée aujourd'hui utilisée comme clocher. Son successeur Rainfroy accorda dotations et privilèges et fit définitivement de l'établissement un monastère bénédictin en 954. Au second quart du XIe siècle, l'abbé Landry fit édifier une enceinte formant le « Bourg Saint-Père », distinct de la ville, qui fut ensuite englobé dans l'enceinte de Chartres à la fin du XIIe siècle. Au XVIIe siècle, l'abbaye avait sous sa tutelle vingt-quatre prieurés et quatre-vingt cures répartis dans les diocèses de Chartres, Orléans, Évreux, Rouen, Sées et Coutances. Les bâtiments conventuels furent reconstruits au début du XVIIIe siècle, mais en 1789 la communauté ne comptait plus que huit moines malgré un revenu évalué à 23 000 livres. L'ancienne église abbatiale, essentiellement gothique des XIIe–XIIIe siècles, devint en 1803 l'église paroissiale Saint-Pierre. Un important cartulaire de l'abbaye a été conservé : il se compose, selon l'édition de 1840, d'une partie dite Vetus Hagano rédigée par le moine Paul à la fin du XIe siècle, d'un Codex argenteus composé vers l'an 1200 et d'un travail réalisé en 1772 par dom Muley pour mettre de l'ordre dans les archives ; cette édition en deux volumes fut publiée par Benjamin Edme Charles Guérard, et une traduction illustrée a été publiée en 2014 par la Société archéologique d'Eure-et-Loir. Avant l'incendie de 1944, la bibliothèque municipale de Chartres possédait 1 687 manuscrits dont environ 500 antérieurs à 1500, et 138 provenaient de l'ancienne bibliothèque de Saint-Père ; l'un d'eux, le Ms. 65, contenait un catalogue du XIe siècle mentionnant 94 livres, et parmi les manuscrits perdus figurent le Liber comitis (Ms. 24) réalisé vers 820 par Audrad le Petit. La liste des abbés, qui va d'Alveus à Joseph-Alphonse de Véri, est conservée et le titre d'abbé de Saint-Père apparaît dans l'Almanach royal jusqu'en 1781, après quoi il est supprimé. Des bâtiments conventuels subsistent : un édifice du XVIIIe siècle renferme deux salles voûtées superposées du XIIe siècle, voûtées sur arcs d'ogives dont les retombées s'appuient sur des consoles incrustées dans les murs et sur une colonne cylindrique centrale. La colonne du premier étage porte un pupitre de pierre faisant corps avec elle ; d'après les moulures du chapiteau, ce pupitre paraît être une modification effectuée au XVIIIe siècle sur une colonne romane. Ces locaux constituent aujourd'hui une annexe du lycée Marceau, lui-même installé dans un ancien couvent des Cordeliers, et l'édifice est pour partie classé et pour partie inscrit au titre des monuments historiques.