Période
2e moitié XVIIIe siècle
Patrimoine classé
Eglise abbatiale : classement par liste de 1840 ; Les vestiges de l'ancienne abbaye de Vertheuil, en totalité, à l'exception des éléments classés, ces vestiges comprenant les éléments suivants : l'aile Est du logis abbatial, seule subsistante, en totalité, à l'exception de ses deux escaliers intérieurs avec leur rampe en fer forgé et des vestiges de sa salle capitulaire classés au titre des Monument historiques, avec sa cour antérieure et sa terrasse (parcelle n°252), le jardin clos (parcelle n°251), les façades et toitures des anciennes dépendances et les ruines de l'ancien moulin à eau ainsi que leur parcelle (parcelle n°248), les terrains correspondant aux périphéries Nord et Nord-Ouest de l'emprise de l'ancienne abbaye (parcelles n°18, 249 et 250), le parvis de l'église abbatiale (zone non cadastrée mais délimitée par un pointillé à l'Ouest et au Sud de l'église, parcelle n°20), le passage vers le jardin clos longeant le chevet de l'église (parcelle n°21) conformément au plan annexé à l'arrêté, l'ensemble de ces parcelles figurant au cadastre section AB : inscription par arrêté du 5 mars 2021 ; L'aile subsistante, en totalité, du logis de l'ancienne abbaye Saint-Pierre, ainsi que la cour antérieure, avec ses murs de clôture et son portail, et la terrasse longeant la façade orientale du logis, avec ses murs de soutènement et l'escalier la reliant au jardin, y compris le sol de la parcelle d'assise et les vestiges archéologiques qu'elle renferme, le tout situé sur la parcelle n° 252 figurant au cadastre de la commune section AB, tel que figuré sur le plan annexé à l'arrêté : classement par arrêté du 26 juin 2023
Origine et histoire de l'Abbaye Saint-Pierre
L'abbaye Saint-Pierre de Vertheuil est située au cœur du bourg de Vertheuil, en Gironde. Sa fondation est attribuée, d'après certaines sources, à Guillaume VIII d'Aquitaine et elle apparaît dans une bulle pontificale de 1179 qui la place sous la règle des chanoines réguliers de saint Augustin ; une charte de 1081 confirme des donations antérieures à l'abbaye. Selon la tradition locale, elle serait élevée sur les vestiges d'une église paléochrétienne installée elle-même sur une villa gallo-romaine. Les archives anciennes sont très lacunaires, mais on connaît une liste d'abbés remontant au début du XIIe siècle et la présence probable de bénédictins à une phase ancienne.
L'abbaye subit des destructions et des pillages pendant les guerres de Religion, qui entraînèrent notamment la perte d'archives. Une réforme est introduite au XVIIe siècle et, au XVIIIe siècle, l'ensemble monastique fait l'objet d'une reconstruction dont la partie actuelle date principalement de cette période ; la restauration de 1766 est signalée. À la Révolution, le domaine fut déclaré bien national puis vendu ; il devint une résidence privée dotée d'un parc à l'anglaise. Après plusieurs propriétaires, l'édifice fut partiellement démantelé au XXe siècle, puis racheté par une association locale et enfin par la commune, qui a conduit des travaux de conservation et restitué l'ordonnance du XVIIIe siècle.
Les protections au titre des monuments historiques concernent l'église abbatiale, classée dès 1840, ainsi que la salle capitulaire et les escaliers intérieurs classés, et l'inscription des façades, toitures, cour, jardin clos et ruines du moulin en 1974. Du monastère médiéval restent des vestiges : caves voûtées, quelques arcades gothiques du grand hall, les soubassements de murs, un four à pain et le mur de l'ancien cuvier. Le logis central subsiste et abrite les vestiges de la salle capitulaire ; on y voit deux escaliers du XVIIIe siècle, dont les rampes en fer forgé sont remarquables.
Le plan ancien comprenait deux ailes perpendiculaires et l'église formait l'aile en retour ; l'aile nord a disparu et ses pierres furent vendues. Le vaste hall d'entrée, ouvert sur la façade ouest, mesure quarante-quatre mètres de long sur huit de large et se termine à chaque extrémité par un escalier, dont l'un présente une rampe remarquable et l'autre porte des crosses d'abbés. Des arcades ogivales médiévales, murées puis redécouvertes au XIXe siècle, témoignent des phases plus anciennes. Le parc et les dépendances conservent un four à pain et un petit moulin à moutarde ; la municipalité a engagé des replantations pour restituer l'ancien parc.
L'église abbatiale, dont la construction débute à la fin du XIe siècle, présente une longue nef à quatre travées prolongée par deux bas-côtés et mesure environ 40,30 mètres de longueur sur 8 mètres de largeur ; chaque bas-côté a une largeur d'environ 4 mètres. La voûte de la nef et du chœur est d'ogives, les bas-côtés étant voûtés d'arêtes ; les voûtes ont été largement remaniées à la fin de la période gothique. Les chapiteaux de la nef montrent deux styles distincts : à l'ouest un décor riche et figuré, à l'est des chapiteaux davantage répétitifs à décor végétal, interprétation qui a suscité des débats parmi les archéologues.
L'abside s'ouvre sur un déambulatoire trapézoïdal rare en Gironde, desservant trois chapelles rayonnantes ; ces chapelles furent surélevées et fortifiées pendant les guerres de Religion. La voûte du sanctuaire se compose de pans séparés par des nervures reposant sur des culots sculptés qui figurent des scènes et des allégories liées aux vices, thèmes repris de l'iconographie romane et gothique.
L'édifice conserve un mobilier liturgique notable : des fonts baptismaux monolithes et cannelés attribués au XVe siècle et classés en 1840, un lutrin en bois du XVe siècle classé en 1903, une tribune d'orgue en pierre gothique classée en 1840 et une chaire à prêcher en bois. Quatorze stalles en bois, datées de la fin du XVe siècle et classées, occupent le chœur ; elles comportent miséricordes et accoudoirs sculptés avec des scènes variées, dont une représentation d'Adam et Ève et une scène qui évoque le Lai d'Aristote.
À l'extérieur, la place de l'église marque l'emplacement de l'ancien cimetière et une inscription ancienne sur une croix évoque un épisode des guerres de Religion. Le portail roman du mur sud, d'inspiration saintongeaise, présente trois voussures décorées : la première comporte une série de vieillards pouvant renvoyer aux vingt-quatre vieillards de l'Apocalypse, la seconde mêle personnages et rinceaux, et la troisième montre un personnage soufflant dans une trompette tandis que des scènes agraires occupent les côtés ; ce portail a été encadré au XVIIe siècle par un nouvel entourage néo‑classique portant une tête d'angelot.
La façade est flanquée de deux clochers, particularité unique en Gironde : le clocher nord, le plus ancien et le plus travaillé, présente trois niveaux avec un sommet octogonal, tandis que le clocher sud, de plan carré et plus récent, remplit une fonction défensive et contient un escalier qui dessert le chevet fortifié. Un blason sculpté au-dessus de la porte de la tourelle, aujourd'hui en mauvais état, combine une mitre et une crosse, des coquilles et un lion et sert désormais d'emblème communal.
Une liste d'abbés réguliers et commendataires, établie notamment à partir des travaux de l'abbé Hugues Du Tems, documente la succession des titulaires, depuis les premiers abbés jusqu'aux derniers abbés commendataires précédant la Révolution.