Origine et histoire de l'Abbaye Saint-Sauveur
L’ancienne abbaye Saint-Sauveur de Redon, en Ille‑et‑Vilaine, est une fondation bénédictine attribuée à Conwoïon en 832 et reconnue par Nominoë en 834 ; elle dépendait de l’ancien diocèse de Vannes et s’est développée sous le règne de Louis le Pieux. Les origines et la première histoire de la communauté nous sont surtout connues par les Gesta sanctorum Rotonensium, rédigés à la fin du IXe siècle en trois livres consacrés à la fondation, à la vie des moines et à la diffusion des reliques, et par une Vita Conuuoionis plus brève, sans doute du XIe siècle. L’attribution des Gesta à Ratvili, moine de Saint‑Sauveur devenu évêque d’Aleth, a été proposée par Ferdinand Lot, mais l’éditrice moderne Caroline Brett date le texte entre 868 et 917‑920 et reste prudente quant à l’auteur. Conwoïon quitta Vannes comme archidiacre pour fonder l’abbaye avec six compagnons ; les cofondateurs mentionnés sont Tethwin, Gerfroi, Fivetein, Conhouarn, Condéloc, Riowen et Lohémel, et la première installation fut rendue possible par des dons de notables locaux. L’établissement reçut de nombreux autres legs de seigneurs et de machtierns régionaux, parmi lesquels Condeloc, Conhoiarn, Guincalon et Riwalt, qui assurèrent sa croissance. Sous la menace des incursions vikings au milieu du IXe siècle, les moines se retirèrent temporairement en forêt et s’installèrent à Maxent, où Conwoïon mourut en 868 ; l’abbé Ritcand fit édifier une nouvelle église peu après. L’abbaye atteint son apogée aux XIe‑XIIe siècles, gérant vingt‑sept prieurés et douze paroisses et attirant des pèlerinages, comme l’illustre le don du prieuré de Sainte‑Marie par le pèlerin Draolius vers 1050. Alignée sur la réforme grégorienne, la communauté obtint entre 1073 et 1084 une bulle du pape Grégoire VII garantissant sa liberté d’élection, puis une confirmation papale de ses possessions envoyée par le pape Eugène III en 1147. Aux XIIe et XIIIe siècles l’abbatiale fut remaniée, le chevet roman ayant été remplacé par un chevet gothique et la tour de croisée élevée ; un clocher fut ajouté à la façade au début du XIVe siècle. À partir du XIIIe siècle l’abbaye connut des difficultés administratives et juridiques face à l’autorité ducale, et au cours des siècles suivants son rôle politique évolua avec celui de la ville de Redon. Au XVIIe siècle Armand‑Jean du Plessis, cardinal de Richelieu, fut nommé abbé commendataire et ordonna la reconstruction complète des bâtiments conventuels sous la direction du bénédictin mauriste Dom Denys Plouvier ; l’abbaye rejoignit alors la congrégation de Saint‑Maur. Un incendie en 1780 détruisit les parties occidentales de la nef, qui fut ensuite raccourcie et séparée du clocher. Après la Révolution, un petit collège municipal s’installa dans l’ancienne abbaye en 1804 ; les Eudistes achetèrent les bâtiments en 1839 et les transformèrent en établissement d’enseignement, fonction conservée depuis. Sur le plan architectural, de l’ensemble reconstruit au XVIIe siècle subsistent quatre bâtiments disposés autour du cloître, avec portes ouvrant sur les galeries et culots sculptés, auxquels s’ajoutent trois édifices du XIXe siècle liés à l’installation du collège et du lycée. Le cloître, élevé au XVIIe siècle sur ordre de Richelieu, présente des frontons ornés des armes de France, de Bretagne, de la congrégation de Saint‑Maur et du cardinal, et a fait l’objet d’une restauration complète entre 2009 et 2016. L’abbatiale comporte des éléments des XIe et XIIe siècles, un transept et une tour de croisée romane à deux étages réputée parmi les plus remarquables de Bretagne ; des fresques médiévales ont été mises au jour lors de travaux en 1950 et des vitraux modernes sont l’œuvre du maître verrier Jean‑Jacques Grüber. Parmi les aménagements intérieurs, la salle capitulaire a été transformée en chapelle dite de la Congrégation, la chapelle du collège conserve un orgue découvert par le musicien Pierre Pincemaille à la fin des années 1960, et un souterrain reliant le cloître à la Vilaine est visitable lors des Journées du Patrimoine. Des sceaux et un cartulaire ancien, composé de 147 parchemins couvrant les VIIIe‑XIIe siècles, témoignent de la richesse documentaire de l’abbaye. Le site, situé à Redon en Ille‑et‑Vilaine, est protégé au titre des monuments historiques : l’église l’était déjà depuis la liste de 1862, le clocher isolé depuis 1875, et l’ensemble de l’abbaye est classé depuis le 9 octobre 1990.