Origine et histoire de l'Abbaye Sainte-Claire
L’ancienne abbaye du Mont‑Saint‑Éloi, située sur la commune éponyme du Pas‑de‑Calais, domine la plaine à l’ouest d’Arras depuis un promontoire accessible par la route départementale 341. Selon la tradition, saint Éloi se retirait sur cette colline au VIIe siècle et un oratoire attira ensuite des ermites ; la fondation de l’abbaye est toutefois attribuée à saint Vindicien. Pour protéger ses reliques, une église fut érigée sur le mont vers l’an 930, selon l’histoire locale, et la découverte légendaire du tombeau de saint Vindicien est également rapportée par les chroniqueurs. En 1068 la communauté fut réorganisée en abbaye de chanoines réguliers placée sous la règle de saint Augustin, direction confirmée par l’évêque Liébert, et elle devint au fil du temps un centre religieux et intellectuel important en Artois. Les chanoines développèrent une activité littéraire ; parmi eux, Arnoul composa des œuvres liturgiques dont subsiste une préface publiée par Dom Martène. L’église fut rebâtie dans le style gothique entre 1208 et 1221 et conserva cette forme pendant cinq siècles et demi. Au XVIIIe siècle, des travaux d’ensemble dans un style classique remplacèrent les constructions médiévales : l’entrée du refuge date de la seconde moitié du XVIe siècle, et les deux tours encore visibles proviennent des campagnes menées entre 1733 et 1765 sous l’abbatiat contemporain. L’abbaye fut fermée à la Révolution ; ses biens furent déclarés biens nationaux, l’église vendue, démantelée et transformée en carrière de pierres en 1793, et le dernier abbé fut guillotiné deux ans après la fermeture. Pour éviter la disparition complète des restes, l’État et le département firent l’acquisition des deux tours en 1836. Utilisées comme postes d’observation pendant la Première Guerre mondiale, elles subirent des tirs d’artillerie qui détruisirent le dernier étage en 1915 ; la hauteur originelle de cinquante‑trois mètres pour cinq niveaux est aujourd’hui réduite à quarante‑quatre mètres. L’abbaye a été classée au titre des monuments historiques en 1921, et la corniche séparant les tours a fait l’objet d’une restauration en 1990. La propriété des ruines, anciennement de l’État, a été transférée à la commune par convention du 14 juin 2007, puis les tours ont été cédées intégralement au département du Pas‑de‑Calais en 2008, qui a mené des campagnes de restauration et des fouilles archéologiques entre 2008 et 2013 puis entre 2010 et 2015. Aujourd’hui, des vestiges subsistent principalement sous la forme des deux tours de la façade ouest ; les deux premiers niveaux sont en grès tandis que les niveaux supérieurs sont en pierre blanche (craie). On relève encore, autour des tours, un abreuvoir en grès, une portion du porche d’entrée, des pans du mur d’enceinte visibles depuis la route périphérique, quelques bâtiments de la ferme de l’abbaye et des prairies en terrasses aménagées par les chanoines au XVIIIe siècle. L’abbaye a également dépendu de plusieurs prieurés et d’un refuge à Arras, notamment les prieurés de Flers‑en‑Escrebieux, d’Aubigny‑en‑Artois (dépendant de 1137 à 1745) et de Rebreuve‑sur‑Canche (dépendant de 1527 à 1788). Du XIe au XVIIIe siècle, quarante‑six abbés se sont succédé à la tête de la communauté, conférant à l’établissement un rayonnement durable dans la région.