Origine et histoire de l'Abbaye Sainte-Croix
L'ancienne abbaye Sainte-Croix se situe à Bouzonville, en Moselle ; son église abbatiale, issue d'un ancien monastère bénédictin, sert aujourd'hui d'église paroissiale. La fondation est attribuée au comte Adalbert d'Alsace en 1033, selon la Pancarte de Bouzonville, document du XIIe siècle qui relate l'établissement sur un ancien lieu de pèlerinage. Le fondateur aurait rapporté un fragment de la Vraie Croix et confié le monastère à Poppon de Stavelot ; l'abbaye fut ensuite consacrée par le pape Léon IX. Les mentions anciennes du lieu apparaissent sous les formes Monasterium sanctœ Crucis in Buosonis villa (1106), Bosovilense monasterium (1184) et Monasterium de Bouzonvilla (1544). Le patrimoine foncier médiéval se répartissait en quatre ensembles : le plus proche de l'abbaye comprenait notamment Vaudreching, Filstroff, Brettnach et Hargarten, un deuxième groupe à l'est englobait Rahling, Offwiler, Obermodern et Loutzviller, et l'abbaye possédait également des biens à Wolmerdange, près de Thionville, et à Zissen sur le plateau de l'Eifel. Ce temporel évolua au fil des donations, échanges et ventes, et l'abbaye exerçait le droit de patronage sur une trentaine d'églises et chapelles de la région. Liée à la maison ducale de Lorraine, elle accueillit les sépultures des premiers ducs et demeura sous leur influence jusqu'à la Révolution. L'abbaye connut une histoire mouvementée : l'église romane et les bâtiments monastiques furent détruits vers 1342 au cours d'un conflit entre le duc de Lorraine et l'évêque de Metz, comme le suggère une bulle d'indulgences de 1343, puis l'édifice fut entièrement reconstruit dans le style gothique entre 1342 et 1375 ; la clef de voûte du chœur porte la date 1345 et le nom de l'abbé Gutzon de Wiskirch. Le nombre de religieux passa de huit en 1186 à cinq en 1413 au moment de l'élection de l'abbé Jean Risch de Wiskirchen. Après une période de relâchement, la réforme de la congrégation de Saint-Vanne et Saint-Hydulphe fut imposée en 1612 et l'abbaye fut progressivement mise en commende au profit de la maison ducale. L'ensemble subit plusieurs incendies, notamment en 1552, entre 1630 et 1641 pendant la guerre de Trente Ans alors que la région était parcourue par des troupes étrangères, et de nouveau en 1684 ; le cloître actuel fut reconstruit dans les décennies qui suivirent et les bâtiments furent largement relevés entre la fin du XVIIe siècle et le début du XVIIIe siècle. Au XVIIIe siècle, la piété populaire se manifeste par un pèlerinage autour des reliques de la Croix et par la création d'une confrérie du Saint-Sacrement. Pendant la Révolution, l'église servit d'entrepôt pour l'armée et accueillit des cérémonies civiles avant que l'ensemble des bâtiments ne tombe en ruine sous la période révolutionnaire et l'Empire. Sous l'annexion allemande, la congrégation des Sœurs de Saint Vincent de Paul y ouvrit un hospice en 1893, qui existe toujours, et des travaux d'aménagement et de restauration se sont poursuivis du XIXe siècle au début du XXe siècle. L'église abbatiale est classée au titre des monuments historiques et les parties subsistantes du cloître sont inscrites, attestant des campagnes de sauvegarde récentes. Construite sur un replat dominant la Nied, l'abbatiale présente un parement en grès taillé aux teintes variant du gris au rouge ; l'édifice reconstruit au XIVe siècle a un plan basilical à trois vaisseaux séparés par des piliers cylindriques, sans transept, et conserve un chevet à trois absides dont l'abside centrale est encadrée par deux tourelles. Ce schéma, héritier d'un plan ottonien ancien, est particulièrement remarquable du fait des tours jumelées qui flanquent un appendice axial ; ces tours donnent accès aux combles et n'ont pas de fonction liturgique, tandis que l'appendice, qui enjambe l'ancien ossuaire, peut correspondre à une chapelle destinée aux reliques de la Croix. L'intérieur réunit des stalles baroques, des baies datées des XVIe, XVIIIe et XIXe siècles (les dernières de style néogothique) et des vitraux modernes ; le clocher à bulbe, inspiré de l'architecture d'Europe centrale, couronne l'ensemble.