Origine et histoire de l'Abbaye Sainte-Croix
L'ancienne abbaye Sainte-Croix de Guingamp, dans les Côtes-d'Armor, a été fondée en 1134 par le comte Étienne Ier de Penthièvre pour des chanoines réguliers augustins venus de l'abbaye Saint-Victor de Paris. Le premier abbé fut Jean de la Grille, futur évêque de Saint-Malo ; son successeur Moyse fut un temps chassé par le fils du fondateur, Henri, qui plaça sa maîtresse à la tête de la communauté. Jean de la Grille, revenu de Rome porteur d'une lettre d'admonestation du pape Eugène III, obtint le repentir d'Henri ; le comte rappela alors Moyse et les chanoines, maria sa concubine et, à partir de 1151, combla l'abbaye de libéralités avec son épouse Mahaut de Vendôme. Avant de mourir, Henri adressa une lettre de confession au pape Alexandre III pour demander son pardon ; les donations des fondateurs furent confirmées par le pape et par Célestin III. Aux XVe et XVIe siècles, des campagnes de reconstruction furent menées sous les abbés Jean Hamon (1437-1452) et Jean de Kernavanay (1514-1536), la première phase bénéficiant de l'appui du comte Pierre de Guingamp. Lors des combats de la Ligue en Bretagne, Sainte-Croix fut le seul monastère de Guingamp à échapper au pillage des troupes royales. Entre 1592 et 1639, sous l'abbatiat de Pierre Cornulier, les chanoines furent remplacés par six prêtres dont un à la charge de prieur. Au XVIIIe siècle, un prieur fut accusé par trois chapelains de ne plus assurer l'office canonial tout en percevant sa prébende ; l'évêque de Tréguier transféra en 1748 le Saint-Sacrement dans la chapelle de Rochefort. Lors des réparations effectuées vers 1750, on ne conserva que la croisée du transept et le chevet polygonal de l'édifice primitif. À la Révolution, l'abbaye et les bâtiments abbatiaux furent vendus comme biens nationaux et disparurent progressivement. Certains éléments, notamment le manoir abbatial et les restes de l'église, furent inscrits au titre des monuments historiques en 1926. Aujourd'hui subsistent des ruines de l'abbatiale, principalement datées de 1748-1750, comprenant le chevet polygonal et le transept. Le carré du transept est le dernier vestige de l'édifice antérieur (fin du XIIe ou XIIIe siècle) : ses quatre arcades brisées à triple rouleau retombent sur des colonnes aux chapiteaux sculptés de feuilles d'eau et de crochets. Le logis abbatial, d'origine XVIe siècle et remanié, conserve une tourelle d'escalier hexagonale couronnée d'un élément circulaire. L'arcade d'entrée piétonne du portail, datée du XVIIIe siècle, est surmontée d'une plaque de pierre gravée rappelant la sauvegarde accordée à l'abbaye par Louis XIII en 1636. Parmi les abbés et prieurs connus figurent Jean de la Grille (1134-1144), Moyse (à partir de 1144), Jodoin (1190), un certain L. (vers 1202), Daniel (vers 1267), Jean de Plédran (vers 1397), Rolland (Ier, vers 1400), Prigent (1418-1436), Jean Hamon (1437-1452), Bertrand (1453-1497), Rolland (II, 1502-1512), Jean de Kernavanay (1514-1536), Jean le Cozic (1536-1546), Philippe Remond (vers 1556), Pierre Cornulier (1592-1639), Louis Berbier Du Metz (vers 1671), Charles du Plessis d'Argentré (1699-1740), René Joseph de Gouyon-Launay (1741-1762) et Louis-François Freslon de la Freslonnière (1762-1790).