Origine et histoire de l'Abbaye Sainte-Croix
L'église Sainte-Croix est l'ancienne église abbatiale d'une abbaye bénédictine située à Quimperlé, dans le Finistère, sur une île artificielle au confluent de l'Isole et de l'Ellé formant la Laïta. La tradition attribue la fondation à saint Gurloës et au comte Alain Canhiart, mais la date réelle se situe vraisemblablement au milieu du XIe siècle. L'abbaye devint une institution puissante de Bretagne, dotée de nombreux prieurés et dépendances. Placée en commende au XVIe siècle, elle déclina puis fut réformée et reprise en main par la congrégation de Saint-Maur au XVIIe siècle, qui mena d'importants travaux. Supprimée à la Révolution, elle vit sa vaste bibliothèque pillée et dispersée ; seul le cartulaire fut sauvé. Les Mauristes renforcèrent les bâtiments et ajoutèrent une tour-lanterne ; une tour carrée fut également élevée au centre de la rotonde en 1679. Au XIXe siècle, malgré des protections au titre des monuments historiques, la tour construite au sommet de la rotonde s'effondra le 21 mars 1862 et détruisit une grande partie de l'église, qui dut être reconstruite à partir de 1864 sur des plans d'Émile Boeswillwald par l'architecte Joseph Bigot. Seuls le chœur des moines et la crypte restèrent pratiquement intacts après l'effondrement. L'église actuelle associe des éléments romans conservés et des restitutions du XIXe siècle ; elle conserve un mobilier riche et de nombreux éléments d'origine.
Le plan de l'abbatiale est original : une vaste rotonde centrale, unique en Bretagne avec celle de Lanleff, est entourée d'un collatéral annulaire qui donne accès au portail occidental et à trois chapelles, la chapelle orientale accueillant le chœur des moines. L'axe nord-sud mesure 41,20 m et l'axe est-ouest 49,60 m ; la coupole de la rotonde atteint 17,20 m et le collatéral annulaire 15,80 m. La crypte romane, située sous le chœur des moines, est une crypte-halle à trois vaisseaux et quatre travées s'achevant en abside ; elle mesure 11,20 m de long sur 7,80 m de large et est couverte de voûtes d'arêtes. La crypte n'a guère souffert de l'accident de 1862 : ses dix-huit chapiteaux et les bases des colonnes sont d'origine et présentent des décors végétaux d'inspiration corinthienne ainsi que des entrelacs sculptés. Au-dessus se trouve le chœur des moines, voûté en cul-de-four sur 13 m de longueur et éclairé par onze fenêtres profondes ; il conserve presque tous ses chapiteaux médiévaux ornés de motifs végétaux et de têtes animales ou humaines.
La rotonde, premier exemple roman breton entièrement voûté, s'inspire des formes orientales et présentait originellement une progression longitudinale des espaces d'est en ouest ; la reconstruction du XIXe siècle en a respecté les dimensions tout en modifiant certains niveaux de sol et perspectives. À l'intérieur, quatre piliers centraux sont entourés de quinze colonnes engagées qui portent les arcs et distribuent les voûtes ; de nombreux chapiteaux anciens ont été remontés sur des tailloirs neufs. Le cloître, posé sur le flanc sud de l'église, comprend quatre galeries de cinq travées voûtées d'arêtes, avec des piliers en granite en partie basse et en tuffeau en partie haute ; les bâtiments conventuels forment trois corps de logis cantonnés de pavillons, le pavillon sud‑est ayant disparu et remplacé par un bâtiment postal dans les années 1970.
Le mobilier de l'église est particulièrement riche : quarante‑cinq objets sont protégés au titre des monuments historiques, outre d'autres pièces intéressantes. Le maître-autel néo-roman, attribué à un don de l'impératrice Eugénie et réalisé en marbres polychromes avec une croix et des chandeliers de Placide Poussielgue-Rusand, est classé parmi les monuments historiques. Le grand retable en pierre calcaire du bras occidental, commandé au milieu du XVIe siècle, représente le Christ de l'Apocalypse entouré de multiples registres sculptés ; il a été remonté au XVIIIe siècle, survécut à l'effondrement et a fait l'objet d'une restauration en 2003. Dans la crypte, un groupe sculpté de la Mise au Tombeau, provenant du couvent des Dominicains, a été restauré dans les années 1960 et est classé monument historique. La crypte abrite aussi les tombeaux de saint Gurloës et de l'abbé Henry de Lespervez, tous deux classés avec l'église dès la liste de 1840.
L'abbatiale conserve de nombreuses statues en bois et en pierre, datées du XIVe au XIXe siècle, certaines protégées par des inscriptions et des classements distincts. La chaire en chêne et châtaignier, réalisée après la reconstruction du XIXe siècle, présente des panneaux sculptés figurant les évangélistes, un abat-voix supporté par des anges et une colombe du Saint-Esprit, et elle est inscrite aux monuments historiques. Dans la sacristie, un important ensemble de lambris et de mobilier en chêne et châtaignier dû à Pierre Le Dieu constitue l'un des éléments remarquables et protégés de l'ensemble abbatial. Certains éléments secondaires, comme les fonts baptismaux et le bénitier de marbre noir veiné de blanc, ont été installés après la reconstruction et ne sont pas tous classés. Aujourd'hui, l'ancienne abbatiale Sainte-Croix est affectée à la paroisse Saint-Colomban et demeure un témoignage majeur de l'architecture romane et de l'histoire monastique de Quimperlé.