Origine et histoire de l'Abbaye Sainte-Marie de Saint-Jean-le-Grand
L'abbaye Saint-Jean-le-Grand d'Autun, située dans la ville du même nom (Saône-et-Loire), est une communauté de moniales bénédictines probablement fondée par la reine Brunehilde et l'évêque Syagre ; Grégoire de Tours en signale l'existence dès 589. Le quartier Saint-Jean, autour de la porte d'Arroux, a livré des vestiges d'ateliers de terre cuite et de verrerie et des moules attribués à des potiers coroplathes, dont celui dit de Pistillus, et l'on a retrouvé en divers points de la ville un mobilier daté du Ve siècle, y compris sur l'emplacement des monastères de Saint-Andoche et de Saint-Jean-le-Grand. Selon une lettre conservée dans le Registrum Gregorii, le pape Grégoire le Grand confirma les privilèges du monastère Sainte-Marie en 602, qualifiant l'établissement de fondation de Syagre ; la chronologie laisse donc placer la fondation entre le début de l'épiscopat de Syagre et 592. L'abbaye fut pillée et détruite par les Sarrasins en 732 puis par Waïfre, duc d'Aquitaine, en 765 ; Charlemagne la fit rebâtir et la dota du nom de Saint-Jean en plus de celui de Sainte-Marie. La région subit de nouveau des ravages lors des incursions normandes en 852, et en 879 le comté d'Autun fut annexé par Boson au royaume de Provence. Durant la guerre de Cent Ans, les Grandes compagnies campèrent autour d'Autun de 1359 à 1364 ; la ville fut plus tard investie le 18 mai 1591 par le maréchal d'Aumont au service d'Henri IV. Au XVIIIe siècle, l'abbaye était une maison de bénédictines réformées.
Les vestiges architecturaux conservés comprennent notamment le portail, propriété communale et inscrit au titre des monuments historiques par arrêté du 12 mars 1942, tandis que les façades et les toitures des bâtiments conventuels, appartenant aujourd'hui à la commune, ont été inscrites le 29 mars 1944 ; lors d'une reconstruction en 1707, de nombreuses sculptures découvertes furent réutilisées en fondation et une tour en brique subsista longtemps sur l'emplacement. Des études et fouilles signalent la présence d'une église romane dont les substructions du XIIe siècle reposeraient, d'après les rapports du XIXe siècle et les recherches d'Éliane Vergnolle, sur des fondations antiques. La vie liturgique se manifestait par de longues cérémonies, notamment une procession des Rameaux partant de Saint-Lazare, parcourant plusieurs églises et stations de la ville — Saint-Nazaire, Notre-Dame, le prieuré Saint-Racho, Sainte-Marie de Saint-Jean-le-Grand, Saint-Andoche — et se concluant à la cathédrale Saint-Lazare, où les reliques étaient exposées jusqu'à complies.
Une anecdote numismatique rapportée par Martène et Durand au début du XVIIIe siècle mentionne une monnaie d'or conservée par l'abbesse et décrite comme portant l'image de saint Jean-Baptiste et l'inscription « Dena A » ; Jacques Paul Migne juge néanmoins peu vraisemblable que l'abbaye ait eu le droit de battre monnaie. L'abbaye possédait de nombreuses dépendances et seigneuries : elle exerçait des droits de dîmes sur plusieurs paroisses du bailliage de Montcenis et du bailliage de Beaune — Cirey, Dragny, Chaudenay-la-Ville — et détenait des terres et pâtures autour d'Autun, ainsi que la seigneurie de Géanges. Le domaine viticole de Montrachet comprenait une parcelle en Montrachet que les religieuses cultivaient depuis fort longtemps et qui a contribué à la renommée locale, le Clos Saint-Jean ayant ensuite été repris par les cisterciens de Maizières.
L'abbaye conservait un important fonds d'archives médiévales et modernes — environ cinq cents liasses comportant notamment des livres de comptes pour Nolay, Géanges et Runchy — ; selon l'abbé Expilly, son revenu en 1768 s'élevait à 7 000 ou 8 000 livres. La maison a aussi fondé une filiale à Colonne (Jura), Sainte-Marie de Saint-Jean-le-Grand, prise en 1346 par Jean de Chalon puis démantelée par le duc de Bourgogne, la communauté se repliant ensuite sur Autun ; des ruines et fossés subsistèrent, l'église du lieu étant reconstruite au XVIIIe siècle. Les abbesses, qui se rendaient régulièrement dans les domaines et disposaient d'un droit de gîte, étaient élues par les moniales peu après les funérailles de leur prédécesseure et confirmées par l'évêque, mais ces élections ont parfois donné lieu à des contestations aux XVe et XVIe siècles ; parmi les noms conservés figurent Thessalie (ou Ticelina) vers 602, Richilde en 1218, Marguerite de la Bussière (décédée en 1451) et plusieurs abbesses des XVe-XVIe siècles — Antoinette de Marcilly, Huguette et Claude de Bernault, Perrennelle de Vienne, Claude de Rabutin d'Espiry, Bénédicte de La Rochefoucauld, Anne de La Magdelaine de Ragny — dont certaines élections sont documentées comme controversées. Enfin, la liste des religieuses notables comprend notamment Barbe de Clugny au XVe siècle.