Origine et histoire de l'Abbaye Sainte-Marie
La fondation du prieuré puis doyenné Sainte-Marie de Souillac est attribuée, selon la tradition et les chartes, au don fait en 909 par Géraud, comte et abbé d'Aurillac, aux moines bénédictins de Saint-Pierre d'Aurillac. Installés dans la plaine de Souillès — nom local évoquant un lieu marécageux — les moines assèchent les terres et développent un domaine prospère. Un bourg s'organise déjà autour du prieuré en 1253, ses habitants obtenant alors une charte de coutumes ; l'établissement ne reçoit le statut d'abbaye qu'à la fin du XVe siècle. L'abbaye connaît de nombreuses destructions : ravages lors de l'occupation anglaise au XIVe siècle, graves dommages pendant les guerres de Religion en 1562 et 1573, et renouvellements successifs entre les XVIe et XVIIIe siècles. Après une importante reconstruction en 1659, l'église abbatiale conserve peu du décor de cette époque et les bâtiments conventuels sont rebâtis en totalité ; le cloître médiéval a disparu. L'abbé Henry de La Mothe Houdancourt mène d'importantes réparations touchant notamment la coupole de la croisée du transept, les couronnements, la tour-porche et les toitures. À la Révolution, l'abbaye cesse d'exister et ses bâtiments sont transformés en magasin de tabac. L'église abbatiale devient l'église paroissiale de Souillac, remplaçant l'église Saint‑Martin partiellement détruite lors des guerres de Religion et désaffectée en 1829.
La datation de l'édifice médiéval reste discutée : l'examen des maçonneries montre que la construction, commencée par le chevet au XIIe siècle, s'est déroulée en trois ou quatre grandes phases jusqu'à la tour occidentale, qui pourrait provenir d'un état primitif attribué au XIe siècle. Cette séquence est cohérente avec l'abandon du grand portail ouest prévu au XIIe siècle. Les analyses stylistiques divergent : certains rapprochements placent le chevet dès les années 1150, d'autres estiment que des éléments du portail, apparentés à la sculpture de Moissac, datent des années 1140 mais n'ont été mis en place qu'à la fin du XIIe ou au début du XIIIe siècle. D'après d'autres auteurs, la sculpture du chevet s'inscrit dans un style développé entre 1140 et 1170, tandis que des comparaisons avec des portails tardifs comme celui de Beaulieu ou avec les églises de Saint‑Amand‑de‑Coly et de Rocamadour plaident pour une réalisation globalement située dans le dernier tiers du XIIe siècle ; cette dernière hypothèse résout la contradiction entre datation des sculptures et progression des travaux d'est en ouest.
Plusieurs campagnes de restauration ont marqué les XIXe et XXe siècles : une intervention notable dans les années 1840 menée par les architectes Questel et Malo, critiquée par Viollet‑le‑Duc ; une deuxième campagne conduite par Paul Gout entre 1881 et 1895 ; d'autres travaux à la fin du XIXe siècle ; le dégagement des coupoles en 1928 ; puis, entre 1933 et 1936, une restauration dirigée par l'architecte en chef des Monuments historiques Poutaraud et l'inspecteur général Henri Nodet, au cours de laquelle les coupoles reçoivent les couvertures de lauzes visibles aujourd'hui. Ces opérations successives ont contribué à redonner à l'édifice une silhouette romane tout en laissant trace des multiples états de son histoire.