Origine et histoire des Alignements
Les alignements de Lagatjar, également appelés alignements du Toulinguet, sont situés à Camaret-sur-Mer (Finistère, Bretagne). Ils ont été décrits pour la première fois en 1799 par l'amiral Thévenard, qui mentionne 84 « grosses masses informes de rochers » disposées en plusieurs files et joint un croquis. Au XIXe siècle, divers auteurs en donnent des comptes et plans divergents : Cambry évoque leur longueur sans précision, Brousmiche y voit un « temple druidique » et la disposition de rangées, et le Chevalier de Fréminville publie un plan sommaire présentant un alignement principal long de 1800 pieds accompagné de files perpendiculaires. Ces descriptions seront reprises et complétées par plusieurs chercheurs, dont É. Vallin, Le Men et Flagelle, qui signalent la présence de menhirs alignés et de dolmens mutilés à la pointe du Toulinguet. En 1882, Paul du Châtellier, accompagné d'H. Martin, relève un plan du site avec une longue ligne de 49 menhirs, deux lignes perpendiculaires de 10 et 15 monolithes, ainsi que cinq menhirs isolés. Classés au titre des monuments historiques par arrêté du 18 juin 1883, les alignements ont toutefois souffert de prélèvements et d'un état de délabrement signalé au début du XXe siècle, le nombre de pierres chutant à environ 80 en 1907. Le commandant Alfred Devoir, dans un article de 1908, propose une interprétation astronomique qualifiant le site de « bi-solsticial » et, en 1910, il dresse un plan précis repérant trois alignements notés AA', BB' et CC' et mesurant l'alignement principal distinct sur 210 mètres. Devoir note alors 43 menhirs encore visibles sur cet alignement, dont dix-huit en place et vingt-trois renversés, et indique que la plupart des menhirs debout n'atteignaient pas 1,50 m. Le site a été restauré en 1927-1928 sous la direction de Bénard Le Pontois et de l'architecte Gaston Chabal ; l'inauguration après restauration voit la participation du poète Saint-Pol-Roux. L'état du site correspond aujourd'hui à celui établi lors de cette restauration de 1928.
Dans sa configuration actuelle, l'ensemble dessine une sorte de « Π » renversée et se compose de trois alignements qui s'étirent sur plus de 200 mètres. L'alignement principal est orienté nord-est/sud-ouest ; à 30 mètres de son extrémité nord-est se situe un second alignement perpendiculaire d'environ 40 mètres, qui contient le plus grand menhir ; un troisième alignement, parallèle au second, s'étend sur près de 50 mètres à 40 mètres au sud-ouest. Au sud-est de ce groupe se trouvent trois autres menhirs isolés, dont deux sont alignés entre eux.
Les décomptes des menhirs varient fortement selon les auteurs : Thévenard en signale 84, de Fréminville 67, Devoir 87, Le Pontois 93, Giot 140 puis 65. Ces écarts tiennent principalement à la prise en compte ou non des petits blocs et des pierres de calage ou à des estimations théoriques ; lors du relevé de 1928, on a recensé 87 menhirs et 11 pierres de calage. La longueur actuelle de l'alignement principal, supérieure à 200 mètres, correspond aux relevés de Devoir, mais plusieurs auteurs anciens et contemporains ont estimé que l'ensemble pouvait s'étendre beaucoup plus loin, jusqu'à des centaines de mètres supplémentaires, en reliant des blocs visibles près de Kerbonn et des vestiges vers le sud-ouest.
Tous les blocs sont en grès quarzitique d'origine locale, le sous-sol offrant la même roche depuis la pointe du Grand Gouin jusqu'à la pointe de Penhir, ce qui a limité l'effort d'extraction et de transport. Les pierres de calage sont parfois en grès rouge ferrugineux, distinct des menhirs en quartzite blanche, et certains blocs mesuraient entre 3 et 4 mètres avant d'être redressés ; du Châtellier mentionne par ailleurs un bloc de 4 mètres de haut. Les éléments archéologiques associés au site sont limités : une hache en bronze signalée à la base d'un menhir renversé et brisé, un polissoir en grès découvert en 1928, quelques charbons non datés et, dans un amas coquillier découvert en 1916, des tessons qualifiés de « céramique néolithique ». Ces indices conduisent à attribuer le monument au Néolithique final, sans possibilité de datation précise faute de matériel datable analysé avec des méthodes modernes.
Aux abords, trois dolmens très ruinés ont été signalés au nord-est des alignements ; deux situés près du moulin de Lannic ont été détruits au début du XXe siècle et un troisième s'est avéré correspondre à deux menhirs appuyés relevés séparément en 1928. Enfin, la « Roche de l'Autel » ou « Tribune des Harangues », décrite comme un rocher retaillé et photographié par Toudouze, aurait été détruite lors de travaux militaires ; rien n'établit un lien certain entre ce rocher et les alignements, et les noms qui lui ont été donnés relèvent davantage de la celtomanie.
