Origine et histoire de l'allée couverte
L'allée couverte de Dampsmesnil, située dans la commune de Dampsmesnil (Eure), se distingue par une sculpture gravée sur l'un de ses supports. Le mégalithe se trouve dans le bois de la Garenne, en léger retrait du sommet du versant sud-ouest d'une vallée sèche. L'édifice comprend une chambre et un vestibule orientés au sud-ouest ; sa longueur totale est de 10,5 m, sa largeur moyenne de 1,67 m et la hauteur libre de 2 m, atteignant 2,25 m à l'entrée. Le sol est constitué de dalles plates de pierre brute mesurant environ 0,25 à 0,35 m de long et 0,15 à 0,20 m de large. La chambre, longue de 5,81 m, reposait sur huit supports et était couverte par trois dalles ; deux d'entre elles sont encore en place, tandis que la dalle protégeant le fond de la chambre est brisée et ses fragments sont dispersés sur le site. Le fond de la galerie est fermé par un bloc de 2 m de largeur, 1,80 m de haut et 0,40 m d'épaisseur. Comme dans plusieurs allées couvertes des environs, la chambre est séparée du vestibule par une dalle percée, dont la moitié inférieure a été retrouvée lors des fouilles de 1894 ; cette dalle mesure 2,92 m de long pour 0,23 m d'épaisseur. Le bord inférieur de l'orifice se situe à 0,76 m du dallage et son diamètre est d'environ 0,60 m ; l'orifice est entouré d'une feuillure de 75 mm de profondeur sur 70 mm de largeur, résultant d'un travail soigné et presque circulaire. Cette disposition, identique à celle observée sur des monuments proches, suggère que la dalle percée, fermée par un bouchon de pierre maintenu éventuellement par une poutre, assurait l'étanchéité entre la chambre funéraire et le vestibule, espace probable des cérémonies. Le vestibule mesure actuellement 3 m de long, mais des destructions anciennes laissent incertaine sa longueur originelle ; une seule dalle de couverture a été retrouvée sur place et replacée en 1894 pour protéger le support sculpté. Le premier support à gauche de la dalle percée porte une représentation féminine en relief : une figure ovale encadrée de trois bourrelets concentriques, avec deux protubérances au bas de l'ovale. Des sculptures de même type ont été notées sur d'autres allées couvertes locales et interprétées soit comme la représentation d'une « déesse des morts » ou déesse funéraire, soit comme un indice de l'usage cérémoniel de l'antichambre. Cette sculpture fait de l'allée couverte de Dampsmesnil le seul mégalithe de Normandie présentant un décor gravé ; un moulage en résine réalisé en juillet 1985 est aujourd'hui exposé dans cinq musées. La construction du monument est estimée entre 2 500 et 2 000 ans av. J.-C., période du néolithique final, et les bâtisseurs appartenaient à la culture Seine-Oise-Marne. Le dolmen a été réutilisé à l'époque romaine, période durant laquelle il a été vidé de certains ossements et mobiliers ; la présence d'ossements humains mêlés à des fragments de poterie et des morceaux de tuiles à rebord, ainsi que la découverte d'une pièce en bronze d'aspect romain, montrent qu'il a conservé une fonction sépulcrale. Avant la Révolution, des fouilles entreprises par des chercheurs de trésors n'ont laissé aucun rapport écrit, et au début du XIXe siècle le vicomte de Pulligny rapporte que l'allée mesurait alors 17 m et était encore recouverte de dalles, une dalle percée obstruant le passage ; l'exploitation des carriers a par la suite entraîné la destruction et l'enlèvement de nombreuses dalles. Adrien de Mortillet a publié en 1893 la première description exacte de la gravure, tandis que les fouilles de 1894, menées par Martial Imbert, ont permis de retrouver la moitié inférieure de la dalle percée enfouie à un mètre de profondeur ; des travaux plus complets en 1896, dirigés par Martial Imbert et Émile Collin, ont achevé le déblaiement et le tamisage des déblais. Les campagnes de fouilles ont révélé des restes humains, des fragments de mâchoires et de crâne, ainsi que des vestiges néolithiques et objets divers, parmi lesquels des pointes de flèche à pédoncule et des lames en silex, des haches, un percuteur, des perles en os, des fragments de vases et d'autres petites pièces ; ces trouvailles ont été remises à la Société d'anthropologie de Paris. Le 14 août (lors de la campagne) la dalle effondrée à l'entrée fut replacée au-dessus du support sculpté pour le protéger, puis l'ouverture de la dalle percée fut de nouveau partiellement protégée par une pierre avant de recouvrir les déblais. La campagne a en outre permis d'établir un plan fidèle du mégalithe. L'allée couverte de Dampsmesnil est classée au titre des monuments historiques par arrêté du 28 janvier 1907.