Origine et histoire de l'aqueduc de Pontgouin à Versailles
Le projet d'adduction des eaux de l'Eure à Versailles, conduit sous Louis XIV, fut partiellement réalisé : sur le plateau entre Chartres et Maintenon subsistent d'imposants terrassements destinés à porter le canal, sous lesquels se trouvent tunnels, siphons et aqueducs destinés à l'évacuation des eaux des vallées barrées. Ce canal, appelé aussi canal Louis XIV ou canal de Maintenon, conçu par Vauban pour alimenter le domaine royal, devait être navigable et recevoir les eaux détournées de l'Eure à hauteur de Pontgouin afin de les conduire jusqu'à l'étang de la Tour, près de Rambouillet. Long d'environ 80 km à vol d'oiseau, le chantier débuta en 1685 mais fut interrompu trois ans plus tard par la guerre de la Ligue d'Augsbourg ; malgré les sommes engagées et les nombreux morts, il ne fut jamais repris. L'essor de Versailles et l'augmentation considérable des besoins en eau du parc, liés au goût du roi pour des fontaines spectaculaires, avaient rendu nécessaire une solution ambitieuse, la machine de Marly et les ouvrages d'adduction depuis la Seine s'étant révélés insuffisants. Sur la base des études de La Hire, Louvois chargea Vauban d'établir le projet ; Vauban rédigea en 1685 un devis détaillé en 40 pages et mobilisa une équipe d'ingénieurs et d'entrepreneurs expérimentés. Les techniques employées reprenaient des procédés militaires de Vauban : canaux d'approche pour l'acheminement des matériaux lourds et fours à chaux alimentés au charbon de terre, la direction du camp et une large main-d'œuvre militaire étant confiées au marquis d'Uxelles. Le tracé prévoyait un canal à ciel ouvert de plus de 80 km avec une pente comprise entre 14 et 17 cm par kilomètre ; l'eau devait être prise par un petit barrage sur l'Eure à Pontgouin et conduite jusqu'à l'étang de la Tour, l'ouvrage commençant par une rigole de 40 km creusée à flanc de coteau. Le franchissement des vallées posa des difficultés majeures : Louvois imagina d'abord un pont-aqueduc monumental, Vauban proposa ensuite deux ponts-aqueducs, puis l'on opta finalement pour des siphons en tuyaux de fonte permettant de franchir les vallées sur des remblais et un aqueduc plus bas que prévu. Les travaux, engagés en mai 1685 avec 1 800 hommes à Pontgouin, mobilisèrent jusqu'à 30 000 ouvriers au plus fort du chantier, dont environ 22 000 soldats, et utilisèrent aussi des civils réquisitionnés selon les besoins. Le chantier fut meurtrier : en 1687 la fièvre paludéenne fit 6 000 victimes parmi soldats et ouvriers, et l'on estime à 10 000 le nombre total de morts imputés aux travaux, accidents compris. Avec l'entrée en guerre du royaume et l'épuisement des finances à l'issue du conflit, le chantier fut abandonné ; Louvois étant décédé en 1691, les travaux ne reprirent pas malgré les près de neuf millions de livres dépensés. Le captage des eaux se fit au niveau de Boizard, où une digue retenait suffisamment d'eau pour former un lac artificiel long de six kilomètres jusqu'à Belhomert. Le tracé prévu traversait les actuels départements d'Eure-et-Loir et des Yvelines et desservait de nombreuses communes, parmi lesquelles Pontgouin, Landelles, Courville-sur-Eure, Saint-Arnoult-des-Bois, Fontaine-la-Guyon, Bailleau-l'Évêque, Saint-Germain-la-Gâtine, Berchères-la-Maingot, Chartainvilliers, Maintenon et d'autres localités du parcours. De nombreux vestiges subsistent et rendent encore lisible l'ancien tracé : la digue et les écluses de Boizard à Pontgouin (classées monument historique en 1910), des arches et vestiges de remblai à Saint-Arnoult-des-Bois (dont l'arche dite « à Mulet »), une partie restaurée du canal dans le parc du château de Fontaine-la-Guyon, une portion en eau d'environ 250 mètres au sud-ouest de Dallonville à Bailleau-l'Évêque, le tunnel dit « L'Arche de la Vallée » et son entonnoir à Berchères-Saint-Germain (inscrits en 1934), ainsi que les tunnels de Chartainvilliers connus comme la Petite Voûte et la Grande Voûte (également inscrits en 1934). Ces ouvrages, parfois impressionnants, témoignent de l'ambition technique du projet inachevé et de son empreinte sur le paysage.
