Origine et histoire
Le camp de Voves, en Eure-et-Loir, a été aménagé en 1939 pour accueillir un centre d'instruction de la DCA. En 1940-1941, l'armée allemande l'a transformé en camp de prisonniers de guerre (Frontstalag n°202), y installant baraquements, double clôture de fils barbelés, miradors et dispositifs armés. Il aurait retenu environ 7 000 prisonniers, parmi lesquels Jacques Benoist-Méchin et Jean Lefebvre. Après le transfert des prisonniers métropolitains en Allemagne, le site a accueilli des prisonniers nord-africains entre mars et juin 1941. Restitué aux autorités françaises en 1942, il est aménagé en centre de séjour surveillé n°15 et reçoit des militants politiques et syndicaux, principalement communistes, venus notamment des camps d'Aincourt, de Choisel, de Rouillé, de Gaillon, de Pithiviers et d'Écrouves, ainsi que de prisons et de la préfecture de police. Le camp, situé au sud de la bourgade de Voves, était divisé en deux parties en trapèze séparées par la route départementale : le camp des internés, à l'est, d'environ sept hectares et 85 ares, et le quartier administratif ou « camp des gendarmes », à l'ouest, d'environ un hectare et trois ares. Cinquante-deux baraques furent construites, dont quarante-cinq dans le camp des internés, qui en occupait vingt-deux. Selon le Comité du souvenir, 2 040 hommes ont transité par Voves entre janvier 1942 et mai 1944. Le camp n'a pas été le lieu d'exécutions sur place mais a servi de réserve d'otages et de point de transfert vers les camps de la mort : dès le 10 mai 1942, 81 internés furent dirigés vers Compiègne puis Auschwitz dans le convoi dit des 45 000, et le 12 octobre 1943, 42 internés furent envoyés à Mauthausen via le fort de Romainville. Malgré la dureté de l'internement, les détenus maintinrent une forte solidarité et organisèrent, avec l'autorisation de l'administration, un théâtre, une « université » proposant des cours (français, anglais, mathématiques, géographie, sciences naturelles) et des activités sportives. À partir du 18 juillet 1942, des évasions eurent lieu : la première libéra quatre internés, et au total vingt évasions permirent à 82 détenus de rejoindre la Résistance. Frédéric Sérazin s'évade en septembre 1943 lors d'un séjour à l'hôpital de Chartres. Entre le 19 février et la nuit du 5 au 6 mai 1944, des internés creusèrent clandestinement un tunnel de 148 mètres ; 42 hommes y trouvèrent la sortie lors de la grande évasion. Selon André Thibault, l'expérience du creusement aurait inspiré John Sturges pour son film La Grande Évasion. La fuite par le tunnel précipita la liquidation du camp : les Allemands intervinrent et, le 9 mai 1944, les SS embarquèrent les 407 internés restants dans des wagons à bestiaux pour les déporter via Compiègne vers Buchenwald puis Neuengamme. Au total, 605 internés de Voves furent déportés vers les camps de concentration et d'extermination ; 194 en revinrent, d'après le comité du souvenir. Après la Libération, le site fut réutilisé de 1944 à 1947 comme dépôt de prisonniers de guerre de l'Axe n°502 pour des soldats allemands. Le camp s'agrandit et, selon l'abbé Portal, jusqu'à 20 000 détenus étaient gardés sur 80 hectares en septembre 1944 par l'armée américaine ; les effectifs diminuèrent ensuite rapidement (11 000 en avril 1945, 1 500 en juillet 1945) et les derniers prisonniers quittèrent les lieux le 19 avril 1947 après avoir participé au démontage des installations. En 1945, les survivants fondèrent l'Amicale de Châteaubriant-Voves, devenue l'Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé-Aincourt. Des rencontres d'anciens ont conduit à une cérémonie annuelle organisée par le Comité du souvenir chaque mois de mai, commémorant la grande évasion et la liquidation du camp. Le site protégé comprend un mémorial en forme d'obélisque érigé en 1974, un arboretum, une baraque-musée et un wagon-témoin ; parmi les vestiges subsiste la baraque des douches, point de départ du tunnel. Le camp de Voves a été inscrit en 2004 à l'inventaire des monuments historiques.