Origine et histoire
L'ancien prieuré de Graville, ou abbaye de Sainte-Honorine, se situe dans le quartier de Graville-Sainte-Honorine au Havre, en Seine-Maritime ; il fait partie de l'agglomération havraise depuis 1919. Sa fondation est attribuée à des périodes différentes : certaines sources la placent avant la fin du XIe siècle, tandis qu'une charte de 1203 rapporte que Guillaume Malet établit le prieuré. Le site comprend une abbatiale des XIe-XIIe siècles prolongée par un ensemble claustral, construit au centre d'un enclos ovoïde encore lisible et identifié comme l'assise foncière d'origine. L'église, dédiée à sainte Honorine, a été remaniée au fil des siècles ; sa nef de six travées présente deux niveaux avec arcades et fenêtres hautes reposant sur des piliers cruciformes et reçoit une charpente. Le massif occidental, partie la plus ancienne, se distingue par son autonomie structurelle, une unique entrée et des salles basses isolées, caractéristiques qui ont suscité le débat entre spécialistes à propos d'influences locales ou ottoniennes. Le transept et le chœur gothique, modifié aux XVe et XVIe siècles, ont été restaurés au XIXe siècle puis réparés après des dommages subis en 1944 ; la nef et le transept ont été rouverts en 1982. Les bâtiments conventuels, ravagés pendant les guerres de Religion, ont été reconstruits au XVIIIe siècle et partiellement détruits par un incendie en 1787. Une campagne de sauvegarde engagée en 1840 sous la direction de l'architecte Charles Louis Fortuné Brunet-Debaines a visé à retrouver l'état primitif en supprimant un porche nord et une galerie ogivale, et en restaurant la croisée du transept ; des travaux complémentaires ont eu lieu en 1909. Des fouilles menées à la fin du XIXe et au début du XXe siècle par Albert Naef et d'autres chercheurs ont enrichi la connaissance du site, bien que leurs interprétations restent discutées et que peu de fouilles récentes permettent de trancher certaines questions. Classée au titre des monuments historiques, l'abbatiale bénéficie d'un classement depuis 1875 ; deux salles souterraines ont été classées en 1921 et l'ensemble des bâtiments prieuraux inscrit en 2000. Le prieuré a longtemps attiré des pèlerinages liés au culte de sainte Honorine : les reliques y ont été conservées à diverses reprises, leur translation vers Conflans en 898 n'a pas interrompu la dévotion locale, et des récits de miracles ainsi que la découverte de fragments de reliques ont contribué à relancer le culte et l'afflux de pèlerins au Moyen Âge. Les récits légendaires concernant l'origine et le martyre de sainte Honorine diffèrent des données historiques et toponymiques, mais ils ont joué un rôle dans la promotion du lieu. La charte de 1203 et d'autres donations ont assuré au prieuré des dîmes, des droits d'usage, des patronages paroissiaux, des terres et un moulin, complétés par des dons ultérieurs. Le prieuré a également accueilli des personnages royaux et seigneurs au cours du Moyen Âge. Établi sur une falaise dominant l'estuaire de la Seine, le monastère est organisé sur un terrain en forte pente : à l'intérieur de l'enceinte se trouvent un bois au nord, l'église et, au sud, le cloître qui structurait la vie des chanoines ; le cadastre napoléonien conserve la trace de ces aménagements et des deux accès principaux. La salle capitulaire, adossée au croisillon sud du transept, laisse apparaître un arc trilobé lié à la charte de Malet, et un bâtiment parallèle au sud, aujourd'hui ruiné, correspondait probablement au réfectoire. L'ornementation sculptée est riche : les chapiteaux de la nef, très restaurés, montrent des entrelacs, animaux, scènes humaines et feuillages, avec une nette différence entre le côté sud, plus fantaisiste, et le côté nord, plus cubique et d'inspiration carolingienne, témoignant d'échanges artistiques entre la Normandie et l'Angleterre. La façade du croisillon nord se distingue par une décoration sculptée abondante, frises et motifs figuratifs comparables à ceux rencontrés dans le Bessin. Les sceaux du prieuré, datés de 1384, 1474, 1475, 1678 et 1689, représentent le Christ en croix souvent accompagné de la Vierge et de saint Jean, ainsi que l'écu aux trois fermaux. Longue de 47,50 mètres et large d'environ 13 mètres, l'église présente un transept de 23 mètres ; la nef et le chœur atteignent environ 10 à 10,5 mètres de hauteur, tandis que la tour du clocher s'élève à 33 mètres. Après les restaurations postérieures aux destructions de la Seconde Guerre mondiale, l'abbaye accueille aujourd'hui un musée installé à partir de 1926, qui contribue à la mise en valeur de ce patrimoine monastique.