Origine et histoire du Palais épiscopal
L'évêché de Tréguier, fondé en 850 par Saint-Tugdual, occupe des bâtiments largement remaniés aux XVIIe et XVIIIe siècles. Les constructions actuelles proviennent d'une reconstruction engagée en 1608 à la demande de l'évêque Adrien d'Amboise et d'extensions effectuées autour de 1700 sous Olivier Jégou de Kervilio. L'ensemble se compose de trois ailes entourant une cour au nord de l'église; le corps nord se termine par deux pavillons carrés et le pavillon ouest abrite le grand escalier d'honneur. Les ailes nord et est étaient affectées aux logements, l'aile ouest aux communs, et la salle Renan, ancienne salle synodale, conserve des boiseries du début du XVIIe siècle. Le palais fut la résidence des évêques de Tréguier jusqu'en 1790; Augustin-René-Louis Le Mintier en fut le dernier titulaire.
Un manoir épiscopal antérieur est reconstruit à partir de 1433 sous l'épiscopat de Pierre Piedru par Jean Le Gac et Jean Jamet, puis achevé sous Jean de Ploeuc, qui entreprend de vastes travaux d'aménagement et d'embellissement. Des vestiges du XVe siècle subsistent dans les ailes est et ouest, notamment les restes d'une cheminée, des maçonneries anciennes et des éléments de la tour des latrines. Partiellement détruit durant la guerre de la Ligue, le manoir est, selon René Couffon, reconstruit à partir de 1608; la même période voit l'alimentation en eau de la ville depuis une fontaine de Plouguiel, avec conduite et aqueduc alimentant aussi un bassin dans le jardin épiscopal. Un état de 1691, diligenté sous l'épiscopat d'Eustache Le Sénéchal de Carcado, signale des désordres et des vices d'entretien, notamment la voûte de la porte cochère de la basse-cour qui menace ruine.
Les travaux stylistiques et structurels du début du XVIIIe siècle permettent de dater le corps principal de logis, les pavillons, les cheminées et les boiseries des années 1700-1715, période rattachée à l'épiscopat d'Olivier Jégou de Kervilio. L'aile nord-ouest, avec son grand pavillon, ses écuries et ses greniers, relève de l'épiscopat de François-Hyacinthe de La Fruglaye de Kervers et se situe stylistiquement entre 1730 et 1745. Un devis d'embellissement daté de mai 1757, dressé sous Charles-Gui Le Borgne de Kermorvan, prévoit la démolition d'un vieux logis de la basse-cour et décrit des aménagements de puits, d'augues et d'une fontaine figurant sur le plan de 1794.
Les travaux du XVIIIe siècle visent à rationaliser les distributions, harmoniser les façades et niveler les sols; ils améliorent aussi le confort par l'installation de cheminées, de parquets et de boiseries. La cuisine du rez-de-chaussée comprenait un petit four à pâtisserie et deux potagers, et la salle de plein pied dallée et lambrissée, dotée d'une fontaine, s'ouvrait sur le jardin par un perron et un escalier en limasson. À l'étage, la salle synodale conserve un décor de boiseries de type Louis XIV datable des années 1700-1715, tandis que la chambre de compagnie présente un parquet en châtaignier et un plafond d'origine. Le pavillon est présente des boiseries et un plafond orné d'une colombe en haut-relief entourée d'une gloire; au sommet des combles, une chambre haute, éclairée par deux lucarnes, donne sur les jardins et la rivière.
Le pavillon ouest, construit entre 1700 et 1715, abrite un grand escalier en granite à garde-corps en fer forgé et des boiseries à moulurations de grand cadre de facture Louis XIV; le vestibule est voûté en dôme lambrissé. L'aile nord-ouest comporte, au-dessus des remises sous arcade transformées en bureaux au XXe siècle, plusieurs pièces ornées de boiseries de style régence datables des années 1730-1745, aujourd'hui affectées à des bureaux municipaux. L'aile ouest, d'allure gothique à l'origine, a été remaniée après 1757 dans le goût Louis XIV et son étage de comble converti en grenier; ses lucarnes sont datées du XIXe siècle.
La Révolution entraîne la suppression de l'évêché par la constitution civile du clergé de 1790; Monseigneur Le Mintier publie un mandement puis s'exile en 1791, et la cathédrale est transformée en temple de la Raison. Le palais est estimé en 1791 et son mobilier inventorié en 1793; en 1794 il est occupé par le bataillon d'Étampes qui loge des centaines de soldats, profane des lieux de culte et utilise des locaux pour la fabrication de poudre, avant d'être relevé en mai 1794. Mis en vente comme bien national, le palais, ses dépendances et ses bois sont adjugés en 1794; la vente du jardin intervient en 1799.
Au XIXe siècle, la mense épiscopale de Saint-Brieuc acquiert l'ancien palais en 1825 pour le presbytère et comme maison de retraite pour prêtres, affectation qui n'est finalement pas effective; les bâtiments comprenaient corps de logis, porterie, cours, jardins, vergers et un grand bois. Après la loi de séparation des Églises et de l'État, l'édifice revient au département par décret de 1913; en 1921 la ville de Tréguier l'achète et confie sa réhabilitation en hôtel de ville à l'architecte Le Fort de Guingamp, afin de créer une grande salle de délibération, un secrétariat et un bureau pour le maire. Les travaux de transformation et l'aménagement des accès pour la circulation automobile s'étendent dans les années 1920, entraînant la démolition de certaines dépendances et le déplacement de porches, tandis que le vestibule, l'escalier d'honneur et la salle du conseil reçoivent un décor peint en 1923.
L'hôtel de ville est inauguré en 1923 lors du centenaire de la naissance d'Ernest Renan; l'aile nord-ouest a par la suite accueilli un hôtel de tourisme jusqu'aux années 1950 au moins, puis a été acquise par la ville en 1977 pour permettre l'agrandissement de la mairie. Des travaux de consolidation et d'aménagement sont menés dans les années 1980 et la nouvelle mairie est inaugurée en 1986.