Origine et histoire de l'ancien palais de justice
Le Palais de Justice, dit palais Fontette, est un édifice néo-classique situé sur la place Fontette dans le centre ancien de Caen, bordé par la rue Saint-Manvieu, la rue Bertauld, la place Saint-Sauveur et une voie fermée parfois nommée rue du Bailliage. Construit à partir de 1781 d’après des plans hexagonaux d’Armand Lefèbvre, ingénieur des Ponts et Chaussées, il s’ouvre sur la place par un vestibule soutenu par dix colonnes ioniques monumentales. L’idée de regrouper le bailliage et le bureau des finances remonte à 1758 et s’inscrit dans un projet de réaménagement urbain dont seule une partie fut réalisée. Les travaux commencèrent dès 1783 : les adjudications pour les prisons et la salle d’audience furent engagées dans les années 1780, le gros œuvre fut achevé en 1789 et les institutions judiciaires s’y installèrent dès 1791, l’édifice ayant été inauguré en 1792 bien qu’inachevé. Après le transfert des prisonniers en 1792 et le départ du tribunal civil en 1804, les travaux intérieurs reprirent lentement à partir de 1808–1809 sous la direction de l’architecte départemental Jean‑Baptiste Harou‑Romain ; la façade principale fut achevée à cette époque, l’escalier droit construit en 1816 et le fronton sud remplacé en 1817, date à laquelle la première partie du palais fut considérée comme terminée. L’État entreprit ensuite la construction de l’aile est pour y loger la cour royale afin de permettre le retour du tribunal civil ; les plans de Nicolas‑Philippe Harou‑Romain furent approuvés en 1830 et les travaux, dirigés par Paul Vérolle, se déroulèrent de 1831 à 1842. Le tribunal civil et le tribunal correctionnel occupèrent leurs locaux en 1843, l’escalier oriental fut achevé en 1846 et la porte sur la place Saint‑Sauveur réalisée en 1847. Les aménagements extérieurs des années 1840 comprirent la restauration des colonnes, l’installation du perron en granit et des grilles, la création d’une voie à l’est fermée par des grilles en 1849 et la pose de deux haut‑reliefs allégoriques, La Force et La Loi, sculptés par Léon Falconnier. Des propositions de réaménagement de l’aile centrale furent faites en 1844 et 1848 ; Léon Marcotte dessina les plans de la reconstruction de la grande salle des audiences qui furent approuvés en 1865 et réalisés dans la seconde moitié du XIXe siècle. Au XXe siècle, de nombreuses transformations modifièrent profondément la disposition et les décors intérieurs : la démolition de la prison attenante en 1906 permit l’ouverture d’une nouvelle voie, la rue Charles Bertaud, et la façade nord‑ouest fut reconstruite par Auguste Nicolas en imitation du style originel. Deux monuments en marbre réalisés par Charles Lemarquier furent installés dans la cour d’appel : le buste d’Alexandre Carel en 1898 au pied du grand escalier et, plus tard, le monument à Louis Guillouard inauguré en 1928 en haut de ce même escalier. Dans les années 1970, un projet de restructuration fut approuvé, une partie du bâtiment fut inscrite à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques en 1975, et des travaux de 1975 à 1977 permirent de couvrir la cour intérieure occidentale pour créer des salles d’audience, des archives et des locaux techniques. Un tribunal pour enfants fut construit en 1979 à l’emplacement des anciennes cours de la prison, et, pendant ces opérations, des décors intérieurs du XVIIIe siècle présents dans la partie ouest furent détruits sans documentation préalable. La salle des assises fut transformée en 1983 et un projet d’extension lancé à la fin des années 1980 fut finalement abandonné. À partir de 1996 plusieurs juridictions rejoignirent un nouveau palais sur la place Gambetta, laissant le tribunal de grande instance comme seul occupant des locaux de la place Fontette ; la vétusté des planchers et la fragilisation des façades conduisirent le ministère de la Justice à renoncer à une restauration lourde. Les dernières audiences eurent lieu le 23 juillet 2015 et le nouveau palais ouvrit le 28 juillet ; le bâtiment est désaffecté depuis juillet 2015. La Ville de Caen a acquis le palais Fontette le 20 novembre 2018 et des projets de reconversion, notamment en hôtel quatre étoiles avec centre d’affaires, furent annoncés en 2019 avec une ouverture envisagée pour 2026, mais le permis de construire a été annulé par le tribunal administratif le 21 mai 2025 pour non‑respect des règles d’urbanisme et de protection du patrimoine. Sur le plan architectural, le palais est construit en pierre de Caen et sa façade dessinée par Lefebvre s’inspire de l’église Sainte‑Geneviève (Panthéon) de Soufflot ; la composition s’ouvre sur un péristyle et un grand vestibule néo‑classiques. Les aménagements du XXe siècle ont profondément modifié les intérieurs, de sorte que seule la Cour d’appel a conservé la plus grande partie de son organisation originelle ; l’arrêté d’inscription de 1975 protège les deux escaliers de la cour d’appel, la salle dite des Abeilles avec son décor, les façades et toitures de l’ensemble, le péristyle et le vestibule. L’ancienne grande salle d’audience a conservé son décor des années 1860, notamment des trumeaux peints sur fond bleu marine ornés d’un semis d’abeilles, symbole du Second Empire. Enfin, le palais a servi de décor à plusieurs productions audiovisuelles et cinématographiques, dont La Horse (1970), un épisode de la série Meurtres à... en 2018 et Bowling Saturne en 2022.