Origine et histoire
L'église Notre‑Dame de Lencloître, dans la Vienne, est une église romane du XIIe siècle, fortifiée au XVe siècle et liée au prieuré fontevriste de Fontevraud. Elle est classée au titre des monuments historiques depuis le 19 mars 1908. Fondée par Robert d'Arbrissel entre 1106 et 1109, l'église était l'édifice du prieuré établi sur des terres données par le vicomte d'Aimery et enrichi par des donations comme celle de Roland de Piolan. Le prieuré dépendait directement de l'abbaye mère de Fontevraud et accueillait hommes et femmes placés sous l'autorité d'une femme, comprenant des couvents de moines et de moniales. L'ensemble fut en partie ruiné pendant les guerres de Religion, pillé et incendié par les troupes protestantes commandées par La Loue. Sa reconstruction a été relancée au début du XVIIe siècle sous l'impulsion d'Antoinette d'Orléans, coadjutrice de l'ordre de Fontevraud, qui fit agrandir le couvent pour accueillir un important nombre de religieuses et de moines. Pour financer les travaux, elle obtint des privilèges commerciaux auprès de la couronne. Le prieuré connut une période de prospérité au XVIIe siècle, puis un déclin progressif de ses revenus avant la Révolution, moment où les religieuses furent chassées et les bâtiments vendus comme biens nationaux puis transformés en écuries. En 1805, l'église devint l'église paroissiale de la commune de Lencloître.
L'ensemble du prieuré conserve une grande homogénéité architecturale et présente un exemple accompli du roman poitevin. L'édifice se compose d'une abside, d'un chœur, d'un transept flanqué d'absidioles et d'une nef à collatéraux, la croisée du transept supportant un clocher à deux niveaux surmonté d'une petite flèche. Le chevet est particulièrement soigné et l'élévation nord, plus travaillée que la façade sud, est percée de baies encadrées de cordons ornés de rosaces et de palmettes. Des voûtes en berceau brisé couvrent le chœur, les croisillons et la nef, tandis que les bas-côtés sont voûtés d'arêtes ; le carré du transept est voûté d'une coupole sur pendentifs. Les arcades de la nef reposent sur des faisceaux de huit colonnes dont les chapiteaux, parfois restaurés, portent un riche décor sculpté.
Le répertoire sculpté réunit lions, oiseaux, chimères, dragons, tricéphales, figures humaines et rinceaux, ainsi que des masques et modillons d'animaux stylisés, motifs souvent interprétés comme images symboliques du bien et du mal ou comme figures apotropaïques. À l'extérieur, les modillons de la corniche figurent animaux et masques, et l'abside présente une série d'arcatures reposant alternativement sur modillons et colonnes. La porte en plein cintre du mur nord conserve un décor géométrique riche en palmettes, pointes de diamant, tores, losanges, galons et perles, motif courant dans le Châtelleraudais. La façade occidentale a été fortifiée au XVe siècle par l'adjonction de deux tourelles et l'ouverture d'une grande baie, transformant l'édifice en un ouvrage défensif.
À l'intérieur, la croisée du transept est marquée par une coupole sur pendentifs reposant sur colonnettes et par des piles ornées d'un cordon de gros boutons stylisés. Les peintures murales et plusieurs chapiteaux du chœur résultent d'une restauration du XIXe siècle ; on y reconnaît néanmoins des représentations de lions, de griffons, d'oiseaux et d'une colombe, avec des images symboliques liées à la présence divine et à la lutte du bien contre le mal. La tribune est de style Renaissance. Le mobilier comprend notamment un triptyque du XVIe siècle d'inspiration flamande consacré à la Passion, installé dans le chœur, ainsi qu'un tableau représentant Marie‑Madeleine sous les traits de Louise de Bourbon, anciennement abbesse de Fontevraud, aujourd'hui remplacé par une reproduction photographique après un vol. D'autres peintures et sculptures, datées des XVIe et XVIIe siècles, complètent la collection d'œuvres conservées dans l'église.
Les bâtiments conventuels, en tuffeau, s'organisaient autour d'une cour carrée avec cloître au sud de l'église ; au rez-de-chaussée se trouvaient le chapitre, le réfectoire et la sacristie, et une arcade du cloître, aujourd'hui disparue, donnait accès directement à l'église. Ces bâtiments, rachetés par la commune en 1828, abritent aujourd'hui des services publics ; le pigeonnier rond du XVIIe siècle, avec ses 1 200 boulins et son échelle de visite pivotante, subsiste sur le site. Le porche de l'hostellerie, place de l'église, conserve un lion sculpté rappelant les armoiries fontevristes et témoigne de l'accueil réservé autrefois aux pèlerins et à des personnages de marque. Parmi les fondations fontevristes du département, les prieurés de Villesalem et de Lencloître figurent parmi les principaux ensembles encore visibles.