Origine et histoire
L'ancienne abbaye Saint-Étienne de Marmoutier (Bas-Rhin) est une fondation bénédictine issue, à la fin du VIe siècle, d'un groupe de moines irlandais conduit par saint Léobard. Sa création fut rendue possible grâce à la dotation du roi Childebert, qui séjourna en Alsace en 589. Des fouilles menées de 1974 à 1983 ont dégagé un bâtiment rectangulaire pouvant correspondre à cette époque. Deux incendies au VIIe siècle entraînèrent l'édification d'une nouvelle église au début du VIIIe siècle sous l'abbatiat de saint Maur, qui introduisit la règle bénédictine et donna son nom au monastère (Mauri Monasterium, Marmoutier). Abbaye royale, richement dotée par les rois mérovingiens et propriétaire de vastes domaines, elle accueillit Benoît d'Aniane qui y exerça la direction pendant dix mois en 816. Après un nouvel incendie en 824, l'abbaye fut confiée à Drogon, évêque de Metz et frère de l'empereur Louis le Pieux, puis reconstruite; les reliques des saints Céleste et Auteur y furent transférées. Sous l'abbé Oswald une nouvelle église fut élevée en 960; l'abbatiale fut ensuite rebâtie au XIIe siècle puis en partie au XIIIe siècle. La prospérité dura jusqu'au XIIe siècle avant un lent déclin lié aux inféodations et à l'influence des avoués, en particulier les seigneurs de Geroldseck. L'abbaye subit des pillages, notamment en 1525 où sa bibliothèque disparut, puis connut une période difficile pendant la guerre de Trente Ans avec l'invasion par des troupes suédoises. Le XVIIIe siècle vit un renouveau sous les abbés Anselme Moser et Placide Schweighaeuser, qui firent reconstruire les bâtiments conventuels (1747-1751) et le chœur de l'église (1761-1769), tandis qu'un projet de nouvelle façade resta inachevé à la veille de la Révolution. L'établissement monastique fut supprimé à la Révolution, vendu comme bien national, ses biens dispersés et ses bâtiments conventuels cédés à divers propriétaires et à la commune; l'église abbatiale devint paroissiale sous le vocable de Saint-Étienne. Les vestiges de l'abbaye, dont l'église, ont été classés au titre des monuments historiques dans la liste de 1840. Située sur la Route romane d'Alsace, entre Saverne et Wasselonne, l'église présente une façade romano-byzantine avec un porche à trois arcades flanqué de deux tours carrées; ces tours abritent des escaliers menant à une salle au-dessus du porche et à la grande tribune, vestige de l'église du XIe siècle servant de base au clocher du XIIe siècle. Sur la face extérieure du transept nord subsistent des restes d'une porte du XIIe siècle. L'intérieur relève du style ogival du XIVe siècle; le chœur, reconstruit au XVIIIe siècle dans un esprit ogival, comporte de remarquables boiseries en chêne sculpté et des fenêtres latérales élargies. Contre le mur ouest du transept se trouvent quatre tombeaux de la famille de Geroldseck, datés des derniers temps de la Renaissance. Les orgues, réalisées par André Silbermann en 1710, jouissent d'une réputation universelle et figurent parmi les rares instruments conservés de ce facteur; le docteur Schweitzer y vint jouer et prit l'initiative de leur restauration en 1955. Le buffet, le positif de dos et la console subsistent, de même que la disposition des jeux telle qu'elle a été conservée. Le parc campanaire comprend plusieurs cloches de notes et de poids variés, fondues entre 1707 et 1971, dont la plus ancienne (1707) ne sonne jamais avec les autres. Parmi les bâtiments survivants figurent un ancien bâtiment conventuel de 1750 utilisé comme cellier et entrepôt agricole, une ancienne bibliothèque conventuelle du XVIIIe siècle et des maisons incorporant des éléments des anciens bâtiments monastiques.