Origine et histoire de l'Abbaye de Cadouin
L'abbaye Notre-Dame de la Nativité de Cadouin, fondée en 1115 en Dordogne, est un ancien monastère dont l'histoire et l'architecture témoignent d'une longue trajectoire monastique et de dévotions médiévales. L'ermite Géraud de Salles créa l'ermitage sur l'ordre de Robert d'Arbrissel, qui fut transformé en abbaye en 1119; Henri, moine de Pontigny, y fut le premier abbé. La communauté s'enrichit grâce à des dons de la noblesse locale et se développa au XIIe siècle, donnant naissance à plusieurs abbayes-filles en Aquitaine. L'abbatiale romane fut consacrée en 1154. Après des contacts prolongés avec l'ordre cistercien, Cadouin rejoignit officiellement cet ordre entre 1199 et 1201, devenant la onzième abbaye cistercienne et la deuxième fille de Pontigny. La dévotion au Saint-Suaire attira des pèlerinages et de nombreuses donations, ce qui contribua à la prospérité des XIIe et XIIIe siècles. Les guerres, d'abord la Guerre de Cent Ans puis les conflits des XVe et XVIe siècles, entraînèrent périodes de déclin et destructions : en 1357 l'abbaye était en ruines et le suaire fut transporté à Toulouse en 1392. La restauration commença au XVe siècle, soutenue notamment par des dons royaux qui permirent la reconstruction du cloître gothique flamboyant, mais les guerres de Religion provoquèrent à nouveau des dégâts et des interruptions de travaux. Au cours des troubles religieux l'abbaye passa en commende puis, en 1643, adhéra à la réforme de la stricte observance qui amorça un renouveau spirituel et matériel. La Révolution provoqua la vente des biens conventuels ; l'inventaire eut lieu en 1790 et l'abbaye fut vendue comme bien national. Après un rachat départemental en 1839, les éléments de l'abbaye reçurent plusieurs protections au titre des monuments historiques et le site fut inscrit en 1998 sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO au titre des chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle en France.
Le plan des bâtiments claustraux présente un H : la partie supérieure entoure le cloître tandis que la partie inférieure, à demi fermée au sud par une grange, ouvre sur une cour. L'aile nord conserve des murs goutterots du XIIe siècle ; son étage, remonté au XVIIe siècle sur des murs romans, correspondait au dortoir, et la chambre dite de l'Évêque conserve des boiseries ainsi que cinq panneaux d'Aubusson illustrant des fables de Florian. L'aile centrale, accolée au mur sud du cloître aux XVIIe et XVIIIe siècles, abritait cuisines et réfectoire. L'aile ouest, partagée de part et d'autre d'un passage vers la cour intérieure, comprend une partie nord rebâtie au XVe siècle sur l'emplacement du logis des convers, un passage et un escalier desservant les étages, et, au sud, un cellier voûté en berceau brisé. Les étages du logis, qui constituaient les appartements de l'abbé, furent rebâtis aux XVe et XVIIe siècles ; une tourelle d'escalier en vis, aujourd'hui effondrée, avait été installée au XVe siècle. Une bâtisse transformée en grange occupe la partie sud de la cour sur d'anciennes fondations.
L'église abbatiale, de plan roman à trois nefs et quatre travées voûtées en berceau brisé, présente une façade occidentale de type roman saintongenais avec un porche à quatre rouleaux, trois grandes baies en plein cintre et des arcatures aveugles. L'intérieur se caractérise par une décoration sobre, une coupole à pendentifs à la croisée du transept et un chœur orné de chapiteaux végétaux tandis que les chapiteaux de la nef restent plus frustes. L'église est percée de trois oculi alignés — un sur la façade et deux sur la coupole — qui laissent passer, aux équinoxes, un rayon de soleil symboliquement orienté vers l'Orient. Le cloître, d'assises anciennes mais décoré aux XVe et XVIe siècles, présente des colonnes finement sculptées, des voûtes élaborées, un siège abbatial en pierre dans la galerie nord et des portes flamboyantes et Renaissance aux angles ; ses bâtiments restaurés au XVIIe siècle accueillent aujourd'hui une auberge de jeunesse.
Le Saint-Suaire, dont les origines restent incertaines et mêlées de légende, fit l'objet d'une vénération médiévale qui fit de l'abbaye un lieu de pèlerinage sur la route de Compostelle. Le suaire fut rendu aux caduniens après son séjour à Toulouse, sauvé de l'incendie révolutionnaire par le maire Bureau et remis au culte en 1797. Au XIXe siècle les ostensions reprirent et, en 1934, une étude attribua l'étoffe à un tissu fatimide de la fin du XIe siècle, observation qui conduisit à l'arrêt du pèlerinage en 1936. L'original a été restauré et n'est plus exposé en permanence ; depuis 2012 un fac‑similé est présenté au public et des expositions retracent les travaux et l'histoire du suaire.
Les manuscrits de l'abbaye, parmi lesquels des livres liturgiques anciens, témoignent de l'activité intellectuelle monastique ; classés au titre des monuments historiques en 1905, la plupart sont aujourd'hui déposés aux Archives départementales de la Dordogne et consultables numériquement. Depuis 1994, l'association "Amis de Cadouin" organise des colloques annuels et soutient la valorisation du site. Le cloître attire encore aujourd'hui un public nombreux, avec 31 000 visiteurs enregistrés en 2022.