Origine et histoire de l'ancienne abbaye
L'ancienne abbaye de Gellone, fondée en 804 par Guilhem, duc d'Aquitaine, se trouve à Saint-Guilhem-le-Désert, dans l'Hérault. Sous l'influence de Benoît d'Aniane, son fondateur se retira à Gellone et l'abbaye développa rapidement un rôle spirituel et pèlerin. Elle obtint un privilège d'exemption qui la mit hors de la juridiction des évêques de Lodève, mais cela n'empêcha pas des conflits récurrents avec l'abbaye voisine d'Aniane. L'abbaye conserva des reliques précieuses, notamment un fragment de la Vraie Croix attribué à Charlemagne, et les restes de Guilhem furent longtemps l'objet d'une grande vénération, attirant de nombreux pèlerins.
Les vestiges actuels de l'abbaye résultent de plusieurs campagnes de construction et de remaniements. Les éléments les plus anciens de l'église datent du milieu du XIe siècle : la travée de la nef qui entoure la tribune des orgues, une partie de la travée suivante et les deux tiers de la tour sud. Après l'incendie de 1066, d'autres travées de la nef, les bas-côtés et deux absidioles creusées dans l'épaisseur de l'ancien chevet furent reconstruits, et la dédicace de l'église est actée en 1076. Au XIIe siècle on reconstruit le chœur et le cloître inférieur, le cloître supérieur étant achevé à la fin du XIIe siècle ; la tribune du croisillon nord date du début du XIVe siècle et celle du croisillon sud de la fin du même siècle. Le clocher carré posé sur le narthex est élevé au milieu du XVe siècle.
Le réfectoire, qui ferme le côté ouest du quadrilatère cloîtral au sud de l'église, se présente comme une vaste salle de cinq travées voûtées d'arêtes datant du XVIIe siècle, chacune éclairée par une longue baie en plein cintre ; à l'origine ces travées étaient couvertes d'une charpente. La salle capitulaire, bâtiment rectangulaire à étage fermant le cloître à l'est, conserve une façade ouest essentiellement médiévale dont le niveau inférieur intègre des baies et des arcades murées provenant de la galerie orientale du cloître. Parmi les structures préromanes subsistent la tour Saint-Martin accolée à l'angle sud-ouest de l'église, les murs de la première travée de la nef et la crypte ; les galeries basses nord et ouest du cloître renvoient aussi au XIe siècle, tandis que des traces d'une galerie haute gothique apparaissent dans le mur est de la salle capitulaire.
Le cloître comportait originellement deux niveaux ; sa décoration sculptée révèle l'intervention de plusieurs ateliers, romans et gothiques, aux styles distincts. Il fut partiellement démantelé après la Révolution et nombre d'éléments du cloître supérieur furent rassemblés au XIXe siècle puis vendus en 1906 à George Grey Barnard ; ces sculptures rejoindront en 1925 le musée des Cloîtres du Metropolitan Museum of Art à New York. Quelques pièces sont conservées localement à la Société archéologique de Montpellier et un dépôt lapidaire installé dans l'ancien réfectoire présente chapiteaux, colonnes et statues, ainsi que des sarcophages et le tombeau réutilisé du fondateur.
Au cours des guerres de Religion l'abbaye est pillée par des protestants en 1568 et en ressort durablement affaiblie ; la congrégation de Saint-Maur prend possession des lieux en 1644 et entreprend des travaux de restauration. Au XVIIIe siècle la vie monastique décline ; en 1783 l'évêque de Lodève obtient l'union des revenus de l'abbaye à son évêché. À la Révolution l'abbaye est vendue comme bien national, l'église devient paroissiale et les bâtiments conventuels sont transformés pour des usages industriels, le cloître servant en partie de carrière de pierres.
Protégée très tôt, l'église figure dans la liste des monuments historiques de 1840 ; les restes du cloître sont classés en 1889 et l'ensemble de l'abbaye fait l'objet d'un classement en 1987 ; le site est inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO au titre des chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle en France depuis 1998. Aujourd'hui le musée lapidaire installé dans l'ancien réfectoire conserve notamment le sarcophage de saint Guilhem et d'autres monuments funéraires, l'abbatiale sert à la vie paroissiale et à des manifestations culturelles, et l'orgue de tribune, achevé en 1789 par Jean-Pierre Cavaillé, figure parmi les éléments remarquables du mobilier. L'autel dit du Sauveur, un ensemble de marbre et d'incrustations de pâte de verre attribué au dernier quart du XIIe siècle, comporte des panneaux représentant le Christ en majesté et le Christ en croix entouré de la Vierge et de saint Jean.
