Origine et histoire de l'Abbaye de l'Épau
L'abbaye royale de l'Épau, fondée par la reine Bérengère de Navarre en 1229‑1230, est une abbaye cistercienne située sur la rive gauche de l'Huisne à Yvré‑l'Évêque, aux portes du Mans (Sarthe). Bérengère obtient la terre de l'Épau et, après un accord avec les chanoines de Coëffort, la confie aux cisterciens; douze moines venus de Cîteaux s'y installent en 1230 sous l'abbé Jean. Le site est choisi pour son éloignement de la ville, sa proximité de l'eau et ses possibilités d'assainissement; les moines aménagent les terres, détournent un bras de l'Huisne et adoptent un plan conforme aux abbayes cisterciennes. La construction progresse du nord au sud et utilise des matériaux locaux (grès roussard, tuffeau, pierre de Bernay), donnant naissance à l'église abbatiale, la sacristie, la salle capitulaire, le dortoir et le réfectoire. L'évêque du Mans Geoffroy de Laval dédie le monastère en 1234 sous le patronage de Notre‑Dame et de saint Jean‑Baptiste. Une campagne gothique d'embellissement entoure l'église entre les années 1260 et 1320, puis de nouveaux travaux interviennent dans le dernier quart du XIVe siècle. Durant la guerre de Cent Ans, l'abbaye subit des dommages dans les années 1360 ; la tradition évoque un incendie en 1365 provoqué par des habitants du Mans, hypothèse que certains spécialistes contestent, mais des réparations sont engagées à la fin du siècle. Des fresques ornent plusieurs espaces, notamment la sacristie, le dortoir et le logis de l'abbé. Aux XVe et XVIe siècles, le temporel abbatial se réorganise selon un modèle de rente foncière et l'introduction des abbés commendataires à la fin du XVe siècle entraîne des conflits avec la communauté régulière. Du XVIe au XVIIIe siècle l'ensemble subit des transformations rapides : aménagement du logis de l'abbé, division du réfectoire en petits salons, installation d'escaliers et réfection des dortoirs. Pendant la Révolution, un inventaire est dressé en 1790, les derniers moines quittent le site et l'abbaye est vendue comme bien national puis transformée en blanchisserie puis en ferme. Le gisant de la reine Bérengère, redécouvert en 1816 par Charles Alfred Stothard, est transféré à la cathédrale du Mans en 1821, restitué à l'Épau en 1974, étudié récemment et restauré en 2020 ; la sculpture, datée du milieu du XIIIe siècle, représente la reine allongée, couronnée, la ceinture et l'aumônière à la taille, un lion et un chien à ses pieds et un livre tenu sur la poitrine. Des sondages menés en 2019 n'ont pas permis de localiser l'emplacement originel du gisant, tandis qu'un squelette découvert par l'archéologue Pierre Terouanne avait été identifié comme celui de Bérengère. L'Épau, fille de l'abbaye de Cîteaux, a connu au fil des siècles une succession d'abbés réguliers puis de commendataires, dont plusieurs appartiennent à des familles ecclésiastiques influentes. L'ensemble architectural présente l'abbatiale avec sa rosace, une salle capitulaire à neuf travées, le dortoir au‑dessus de la salle capitulaire, la porte du réfectoire, des arcatures sur la façade sud, des voûtes en arêtes et une charpente de châtaignier, ainsi que des éléments datés du XIVe au XVIIIe siècle. Classés au titre des Monuments historiques dès 1925 pour les principaux espaces internes, certains éléments ont fait l'objet de classements complémentaires et d'extensions de protection au XXe siècle. Des travaux de restauration sont lancés avant la Seconde Guerre mondiale, interrompus par l'occupation, puis repris après le conflit ; l'abbaye est acquise par le Conseil général de la Sarthe en 1959 et restaurée dans le respect du style architectural du XIIIe siècle. Entre 1965 et 1990, le site accueille manifestations culturelles et réunions institutionnelles ; la rénovation de la salle Michel d'Aillières s'achève en 1990. Depuis 2016, Sarthe Culture gère l'abbaye pour le département et y propose visites, animations et activités ; le lieu accueille depuis près de quarante ans le festival de l'Épau et sert régulièrement aux réunions de l'assemblée départementale.