Origine et histoire
L'ancienne maladrerie Saint-Lazare, située à Voisinlieu à Beauvais, présente de nombreux vestiges — dont le mur d'enceinte — et constitue un exemple rare de léproserie médiévale encore conservée. Site patrimonial majeur, elle est aujourd'hui aménagée en centre culturel et touristique ouvert au public une grande partie de l'année. Utilisée comme léproserie jusqu'au XVIIIe siècle, la maladrerie a été vendue comme bien national à la Révolution et exploitée comme domaine agricole jusqu'à la fin du XXe siècle. Les bâtiments ont servi de cantonnement pendant la Première Guerre mondiale puis d'entrepôts pour diverses activités. L'ensemble de la maladrerie (église, dortoir, réfectoire, grange et bâtiments) est classé au titre des monuments historiques depuis 1939 ; le mur d'enceinte, ses portes, la bergerie, les sols et un mur du XVIIIe siècle sont inscrits depuis 1989. La ville de Beauvais a acquis le site définitivement en 2002. Le premier acte relatif à Saint-Lazare, une donation à l'église datée de 1131, atteste de l'existence d'une communauté organisée autour de l'église au XIIe siècle. Parmi les onze maladreries du diocèse de Beauvais, Saint-Lazare est la seule à avoir subsisté, ce qui en fait un héritage patrimonial exceptionnel et l'une des maladreries les mieux conservées du Nord de l'Europe. Jusqu'au XIIe siècle les lépreux pouvaient encore circuler sous certaines conditions, mais la crainte de la contagion conduisit ensuite à leur internement et à la codification d'un règlement intérieur. Après reconnaissance de la maladie, le malade était intégré à la communauté, soumis à une cérémonie en la chapelle et considéré comme socialement mort ; il recevait nourriture, vêtements et logement et bénéficiait de soins, surtout des bains prodigués par les femmes soignantes. Grâce aux dons et legs et aux biens apportés par les malades, la maladrerie devint un important propriétaire foncier ; en tant qu'institution religieuse elle jouissait de privilèges, notamment d'exemptions fiscales et du droit de justice pour le maître. La charge de maître, généralement pourvue par un chanoine élu par le chapitre, suscita de nombreuses querelles de nomination entre autorités religieuses, municipales et royales, donnant lieu à un long procès engagé en 1472. La communauté comprenait des gens sains, chargés de l'administration et des soins, et la communauté des malades ; on estime qu'une quinzaine de lépreux vivaient en permanence sur le site, provenant de toutes les couches sociales. À la fin du Moyen Âge la lèpre décline en Europe et la maladrerie accueille progressivement d'autres malades contagieux, notamment des pestiférés, pour lesquels on construit de nouveaux bâtiments au sud de l'enclos. En 1629 la maladrerie est rattachée au bureau des pauvres des Trois Corps de Beauvais et sa mission s'élargit aux indigents et aux marginaux. Vendue et divisée à la Révolution, la transformation en exploitation agricole modifie le bâti mais contribue aussi à sa conservation, la chapelle servant notamment de hangar après percements d'ouvertures. Au XIXe siècle la maladrerie reste une ferme mais attire l'intérêt des spécialistes d'architecture, ce qui aboutit à un premier classement en 1862, suivi d'un déclassement en 1888 faute de restauration. Au XXe siècle le site conserve une activité agricole tout en étant utilisé comme entrepôts ; il sert aussi de cantonnement pendant la Première Guerre mondiale. Épargnée par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale, la maladrerie subit néanmoins l'effondrement du clocher et du chœur après de fortes pluies en 1939, événements qui ont suscité une prise de conscience pour sa conservation. Des travaux de consolidation sont réalisés ensuite et, dans les années 1970-1980, la toiture de la grange est restaurée, le clocher reconstruit et un plancher d'étaiement mis en place dans le logis. Le site est ceinturé d'un mur de pierre élevé et régulièrement restauré qui délimite une enceinte de trois hectares où subsistent la chapelle Saint-Lazare, la grande grange, la bergerie attenante, le logis de la communauté, les restes du bâtiment des pestiférés, la maison de l'administrateur et la maison du fermier du XIXe siècle, ainsi que des vestiges du pigeonnier et des loges des lépreux. La grange, longue de 44 mètres et haute de 12 mètres, conserve une charpente d'époque dont les chênes sont datés par dendrochronologie de l'hiver 1219-1220 ; son intérieur présente trois nefs de neuf travées, deux rangs d'arcades et seize piliers, et nombreux graffitis liés à huit siècles d'usage. Le logis, contemporain de la grange et long d'environ 35 mètres, a été profondément remanié mais conserve des fenêtres ogivales ornées ; il a été stabilisé par la pose d'un plancher en béton armé dans les années 1980. La chapelle, le plus ancien édifice du site, témoigne de l'architecture romane avec une nef à trois vaisseaux et deux chapelles latérales ajoutées au XIIIe siècle ; sa reconstruction dans les années 1980 n'a porté que sur deux voûtains du clocher afin d'améliorer la luminosité et la lecture de la tour-lanterne. À partir des années 1980 la municipalité rachète progressivement les lots, opération achevée en 2002, et une première tranche de travaux menée en 2005 a restauré la grange, reconstruit la bergerie et réparé une partie du mur d'enceinte. En 2009 la gestion du site est transférée à la communauté d'agglomération du Beauvaisis qui en fait un centre culturel et touristique offrant une programmation annuelle de concerts, spectacles, expositions et manifestations diverses. La maladrerie est ouverte gratuitement du 1er avril jusqu'aux Journées du patrimoine, période durant laquelle sont proposées visites guidées, festival d'art de rue, ateliers et autres activités, et elle développe des partenariats avec des artistes contemporains, comme les projets présentés en 2010, 2011 et 2012. En 2009 un jardin d'inspiration médiévale a été créé, organisé en carrés comprenant le carré des simples (herbes médicinales et aromatiques, notamment l'hysope), des carrés potagers, des carrés de céréales et de vignes et petits fruits, ainsi que des jardins méditatifs tels que le jardin du cloître et le jardin de Marie ; ce jardin est cultivé sans produits chimiques et fait partie des associations Parcs et Jardins de l'Oise et Parcs et Jardins de Picardie.