Origine et histoire de l'Abbaye Sainte-Geneviève
La Bibliothèque Sainte-Geneviève (BSG) est une bibliothèque interuniversitaire et publique située au 10, place du Panthéon, dans le 5e arrondissement de Paris, installée dans un bâtiment édifié par Henri Labrouste et inauguré en 1851. L'édifice, construit entre 1843 et 1850 sur l'emplacement de l'ancien collège de Montaigu, est classé au titre des monuments historiques avec ses aménagements et décors d'origine. La BSG est l'héritière de la bibliothèque de l'abbaye Sainte-Geneviève, qui fut pendant longtemps l'une des trois plus importantes d'Europe et occupait autrefois le dernier étage de ce qui est aujourd'hui le lycée Henri-IV. Bibliothèque d'État à vocation interuniversitaire (Paris 1, 2, 3, 4 et 7) et ouverte au public, elle est accessible aux personnes majeures ou titulaires du baccalauréat. Ses collections encyclopédiques totalisent environ deux millions de documents répartis entre la Réserve (fonds anciens, rares et précieux), le Fonds général (ouvrages, périodiques et autres documents publiés depuis le début du XIXe siècle jusqu'à aujourd'hui) et la Bibliothèque nordique, qui propose un important fonds finno-scandinave. L'origine de la bibliothèque remonte à l'abbaye Sainte-Geneviève fondée autour d'une basilique consacrée aux apôtres Pierre et Paul et liée à la tombe de sainte Geneviève ; l'existence d'un service de livres est attestée dès le XIIe siècle. Des mentions antérieures signalent des legs de volumes et l'existence probable d'un scriptorium ; le développement carolingien fut ensuite affecté par les invasions vikings et les conflits des siècles suivants. La réforme monastique du XIIe siècle renforça le soin porté aux collections et à la copie des textes, et au XIIIe siècle un catalogue recensait déjà plusieurs centaines d'ouvrages. Les guerres et les dissensions religieuses entraînèrent des pertes, si bien qu'au début du XVIIe siècle la bibliothèque dut être presque entièrement reconstituée. La refondation de 1624 par l'abbé devenu cardinal de La Rochefoucauld relança les acquisitions, complétées par des donations majeures comme celles de Gabriel Naudé et de l'archevêque Charles-Maurice Le Tellier, dont le legs introduisit également une classification alphabétique encore partiellement en usage. Au XVIIIe siècle la bibliothèque s'ouvrit au public et, sous l'impulsion de bibliothécaires comme Alexandre‑Guy Pingré, développa ses collections scientifiques et échappa, lors de la Révolution, à une dispersion totale de ses fonds. Devenue propriété nationale en 1790, elle s'enrichit de confiscations révolutionnaires et d'apports divers, et fut successivement désignée sous le nom de Bibliothèque du Panthéon avant de retrouver son appellation. À l'étroit dans l'ancien lycée, la bibliothèque fut transférée provisoirement en 1842 puis dotée d'un édifice nouveau conçu et réalisé par Henri Labrouste sur une parcelle étroite au sommet de la montagne Sainte-Geneviève. L'édifice de Labrouste, premier bâtiment autonome en France conçu spécialement pour une bibliothèque, se caractérise par une architecture sobre et rationaliste, l'emploi apparent de la fonte associé à la pierre, et l'usage innovant de structures métalliques visibles dans la façade et la salle de lecture. Conçu en trois volumes séparant le stockage des ouvrages rares de la vaste salle de lecture, le bâtiment offre une salle principale, dessinée sur un plan basilical, longue et lumineuse, soutenue par dix‑huit fines colonnes en fonte et dotée d'une galerie supérieure desservie par quatre escaliers d'angle. La façade, d'allure dépouillée et symétrique, porte la gravure de 810 noms d'auteurs et savants correspondant aux rayonnages situés derrière le mur et présente les tirants métalliques qui traduisent la structure interne. À l'intérieur, le parcours d'entrée conduit depuis un vestibule à colonnes et sol de marbre vers la salle de lecture, selon un dispositif symbolique d'accès à la connaissance ; les magasins du rez-de-chaussée, organisés autour de colonnes massives, ont été remaniés depuis leur état originel. Labrouste utilisa la pierre pour les façades et éléments porteurs extérieurs et la fonte pour la charpente et les colonnes intérieures, tandis que le mobilier conçu pour la salle de lecture, pour une grande part conservé, est en bois et marbre. Le Fonds général compte notamment près de 950 000 volumes, des milliers de périodiques et de microformes ainsi que de nombreuses ressources électroniques destinées à un public universitaire et de recherche ; la Réserve conserve plus de 6 300 manuscrits, quelque 160 000 imprimés anciens et plus de 50 000 estampes, tandis que la Bibliothèque nordique réunit plus de 190 000 volumes, des milliers de publications en série et une collection patrimoniale. La bibliothèque a par ailleurs été pionnière en matière de numérisation et de diffusion : elle a contribué au projet Internet Archive dès 2009, ouvert une collection d'images en 2015 et mis en ligne plusieurs milliers d'ouvrages sur sa bibliothèque numérique Genovefa. Ouverte au public du lundi au samedi de 10 heures à 22 heures et quelques dimanches par an en période d'examens, elle compte plus de 43 000 lecteurs inscrits. La direction a été assurée par une succession de conservateurs depuis Alexandre‑Guy Pingré jusqu'à Cécile Bajard (depuis 2025), et de nombreuses personnalités, parmi lesquelles Marcel Duchamp, Jules Vallès, Jules Laforgue, Simone de Beauvoir et Francis Ponge, y ont travaillé ou fréquenté les lieux. La bibliothèque a inspiré de nombreux écrivains et figures littéraires et a servi de décor à plusieurs films, soulignant son rôle à la fois patrimonial, scientifique et culturel dans la vie parisienne.