Période
1er quart XIIe siècle, 1er quart XIIIe siècle, 4e quart XVIIe siècle, XVIIIe siècle, 3e quart XIXe siècle
Patrimoine classé
L'ancienne église abbatiale, actuellement église paroissiale, en totalité (à l'exception de la tour classée) (cad. AH 10) : inscription par arrêté du 21 septembre 1983 - Le grand escalier ovale avec sa rampe en fer forgé ; les galeries du cloître ; les façades et toitures du logis abbatial (cad. AH 7, 9) : classement par arrêté du 21 septembre 1983 - Les façades et les toitures des anciens bâtiments conventuels ; l'escalier droit du cloître avec sa cage ainsi que l'escalier avec sa rampe en fer forgé et sa cage ainsi que la pièce dite "salle des abbés" avec son décor (lambris, bibliothèque murale, cheminée, plafond avec ses gypseries) dans l'ancien logis abbatial ; les façades et les toitures des deux ailes de la cour des communs : le bâtiment des communs à arcades (à l'exception de l'extension de la fin du XIXe siècle) et la bibliothèque, y compris son extension du XVIIIe siècle ; la tour du XIIe siècle de l'église (ancienne croisée du transept) avec son beffroi et le clocher en élévation en totalité, y compris son couvrement et sa charpente ; les sols comprenant l'assise de l'ancienne nef romane, l'assise du cloître et le sol de la cour des communs (cad. AH 9, 10, 413, 422) : classement par arrêté du 18 août 2005 - Les intérieurs du bâtiment de la bibliothèque (cad. AH 422) : inscription par arrêté du 15 mai 2012
Origine et histoire
Ancienne abbaye — Abbaye Saint-Pierre de Senones, Vosges.
Fondée selon la tradition par Gondelbert vers 640, l’abbaye s’est implantée sur un lieu de culte préexistant et a été marquée par la présence de bénédictins jusqu’à la Révolution. Le premier document conservé la mentionne dans une charte d’immunité attribuée à Childéric II vers 661. Après des phases de déclin et de reprise du vieil établissement, la règle bénédictine fut réaffirmée au haut Moyen Âge, l’abbaye s’inspirant des réformes de Moyenmoutier pour relancer sa vie spirituelle et sa gestion. Elle s’enrichit ensuite, dut instituer une charge d’avoué pour protéger ses biens et contribua à la formation du village puis de la petite ville de Senones. Au XVIIIe siècle, sous l’abbatiat de Dom Calmet, l’abbaye connaît d’importantes reconstructions et atteint son apogée ; Dom Calmet réunit une riche bibliothèque et entretint une correspondance célèbre, notamment avec Voltaire. La ville devint, après 1751, capitale princière de la principauté de Salm-Salm.
L’ensemble conventuel a été profondément remanié entre 1680 et 1720 ; les bâtiments visibles aujourd’hui datent en grande partie de cette période. L’église primitive, de plan circulaire, ne conservait au XVIIIe siècle que sa partie hémisphérique transformée en chœur ; elle fut détruite par un incendie en 1809 et reconstruite dans un style néo-médiéval par l’architecte Prosper Morey entre 1866 et 1869. La tour romane du XIIe siècle et le clocher octogonal à couronnement de dômes superposés figurent parmi les éléments les plus anciens conservés. Le cloître, en grès rose enduit, était de plan carré avec quatre galeries à arcades reposant sur des pilastres toscans ; l’aile nord a disparu à la suite de l’incendie et l’aile est a été occupée par la nouvelle église. Le logis abbatial en L relève de deux campagnes distinctes : la partie sud datée de 1728-1749 et la partie nord de circa 1763-1766. La grande salle dite « salle des abbés » a conservé l’essentiel de son décor d’origine, notamment lambris, bibliothèque murale et cheminée de marbre. Les communs formaient une cour largement ouverte sur vergers et potager ; ils comprennent un bâtiment agricole au nord daté de 1731 et la bibliothèque de 1719.
À partir de 1796, les bâtiments sont vendus et occupés par une industrie textile qui dénature les intérieurs ; le texte fournit deux mentions différentes concernant la fin de cette activité, l’une indiquant 1981 et l’autre 1993. Après la période industrielle, les lieux accueillent aujourd’hui des activités commerciales et des services, dont un magasin d’usine et l’office du tourisme.
La protection au titre des monuments historiques résulte de plusieurs arrêtés : l’arrêté du 21 septembre 1983 porte sur l’ancienne église abbatiale et divers éléments du logis, l’arrêté du 18 août 2005 étend les classements et inscriptions à de nombreuses parties du site — façades et toitures des bâtiments conventuels, escaliers et cages d’escalier, la « salle des abbés » avec son décor, la tour romane et le clocher, ainsi que les sols comprenant l’assise de l’ancienne nef et du cloître — et l’arrêté du 15 mai 2012 concerne les intérieurs de la bibliothèque.
L’abbaye disposait de ressources foncières et des revenus seigneuriaux sur son périmètre de juridiction (vallée du Rabodeau, vallée de la Plaine, rive gauche de la haute Bruche, Badonvillois) et exerçait la seigneurie spirituelle et temporelle sur plusieurs prieurés et cures, parmi lesquels le prieuré de Ménil-les-Lunéville et d’autres dépendances en Lorraine. La liste des abbés, publiée notamment dans Gallia Christiana et par Dom Augustin Calmet, débute avec saint Gondelbert et se prolonge jusqu’à Jean-François Lombard à la fin de l’Ancien Régime.