Origine et histoire
La chapelle de Vignemont, ancienne chapelle sépulcrale dépendant de la paroisse Saint‑Ours à Loches, est érigée sur un terrain qui pourrait être le plus ancien cimetière de la ville. La construction principale date de la fin du XIIe siècle, mais son couvrement ne fut jamais achevé, peut‑être en raison du siège de 1203 par Philippe Auguste. L’édifice se compose d’une nef unique rectangulaire en deux travées et d’une abside semi‑circulaire voûtée en cul‑de‑four. Le décor sculpté, notamment des feuilles d’acanthe, témoigne d’une grande finesse d’exécution. Une ornementation picturale a été appliquée au XIVe siècle, dont il ne subsiste que des traces peu lisibles.
La chapelle est implantée au sud de la cité médiévale, près du rebord du coteau de la vallée de l’Indre, à l’extrémité du chemin de la chapelle de Vignemont, et son grand axe est orienté est‑ouest. Dès sa construction elle était séparée de la cité par un fossé creusé vers 1030 puis surcreusé à la fin du XIIe siècle ; en contrebas, à l’est, longe la voie antique de Loches à Châtillon‑sur‑Indre. Le site porte des traces d’occupation depuis l’Antiquité : des sarcophages datables du XIIe siècle ont été retrouvés, attestant la présence d’un cimetière lié à la paroisse Saint‑Ours, tandis que l’inhumation pourrait remonter à l’Antiquité tardive ou au Haut Moyen Âge. Une charte de 1173 mentionne « ecclesia Sancta‑Maria de Vineo‑Monte ». L’abside est romane et la nef, élevée dans les deux dernières décennies du XIIe siècle, est représentative du gothique de l’Ouest, selon des critères appréciés différemment par plusieurs auteurs.
Des gravures anciennes suggèrent l’adjonction de tours et d’une courtine aux XVe ou XVIe siècles, et il est possible que ces superstructures aient contribué à l’effondrement partiel des voûtes à une époque indéterminée. Des analyses dendrochronologiques indiquent que la charpente a été refaite vers 1582. En 1756 un éboulement du coteau fragilisa l’abside et provoqua peut‑être l’effondrement des voûtes. Pour des raisons de salubrité, la ville de Loches décréta en 1769 l’abandon des anciens cimetières ; la chapelle fut alors fermée, louée à des particuliers puis transformée en grange. Elle fut vendue comme bien national en 1793 (en deux lots qui revinrent au même propriétaire deux ans plus tard) et resta en mains privées ; au début du XXe siècle le sommet de l’abside fut aménagé en terrasse et belvédère.
La chapelle a été inscrite au titre des monuments historiques en 1989. Un incendie en 1998 endommagea partiellement les combles et la charpente, qui fut refaite à l’identique. En 2003 la famille du père Guillaume‑Marie Hecquard acquit l’édifice dans l’intention de le restaurer et de le rouvrir au culte. Un projet de restauration reçut en 2005 le prix Garnier‑Lestamy de l’Académie des inscriptions et belles‑lettres, puis des travaux menés de 2008 à 2011 restaurèrent l’abside et rouvrirent les baies qui avaient été murées dans la nef.
La chapelle présente un plan simple : une nef de deux travées terminée par une abside en cul‑de‑four ; ses dimensions intérieures sont indiquées à 17,2 × 3,15 m, hors‑œuvre 19 × 9 m. Les deux travées sont de longueur inégale (la travée occidentale mesure 8 m, la travée jouxtant le chœur 6 m et le chœur est profond de 3,20 m). Les murs ont une épaisseur d’environ un mètre, la façade étant plus mince ; les murs gouttereaux sont épaulés par deux contreforts par côté et un clocher‑peigne a peut‑être surmonté la façade, mais il a disparu. La partie orientale de la nef conserve des voûtes caractéristiques du gothique de l’Ouest, tandis que la travée occidentale a perdu les siennes ; cette travée était à l’origine éclairée par deux hautes baies (une par face), réduites avant le XIVe siècle puis entièrement murées, peut‑être après l’accident de 1756. Un arc brisé sépare la nef du chœur.
Dès l’origine, les murs intérieurs étaient revêtus d’un enduit peint imitant des joints de maçonnerie en rouge ; une seconde campagne picturale, qui s’étend probablement du XIIe au XIVe siècle, ornait les murs à mi‑hauteur jusqu’à la naissance des voûtes. Ces fresques, très dégradées au XXIe siècle, représentaient des anges, des cavaliers, des guerriers et des arbres disposés sur plusieurs registres séparés par des frises. Les dénominations successives — Sainte‑Marie dans la charte de 1173, Saint‑Jean vers 1180, puis, à l’époque moderne, Notre‑Dame et Saint‑Nicolas — peuvent renvoyer à des autels intérieurs plutôt qu’à l’édifice lui‑même, le passage de Notre‑Dame à Saint‑Nicolas pouvant accompagner une phase de reconstruction partielle. Si sa fonction cimétériale est manifeste, la chapelle a pu aussi faire office de succursale de l’église paroissiale du prieuré Saint‑Ours pour les secteurs méridionaux de la paroisse, statut compatible avec la richesse de son décor.