Origine et histoire de l'Abbaye Notre-Dame du Voeu
L'abbaye Notre-Dame du Vœu est un ancien monastère de chanoines réguliers augustins de Saint-Victor dont les vestiges se dressent à Cherbourg-en-Cotentin (Manche, Normandie). Elle aurait été fondée en 1145 par Mathilde l'Emperesse et consacrée en 1181. Une légende tardive associe la fondation au vœu de sauver Mathilde d'une tempête et à l'appellation de "Chantereyne", mais les sources contemporaines sont muettes sur ce récit. Les cuisines et le cellier datent de la fin du XIIe siècle ; le réfectoire et la salle capitulaire furent élevés au premier tiers du XIIIe siècle. L'abbaye connut une prospérité au XIIIe siècle, recevant dons et visites royales, mais elle fut pillée et incendiée à plusieurs reprises à la fin du XIIIe siècle et durant la guerre de Cent Ans. Les chanoines se réinstallèrent vers 1450-1460 et reconstruisirent l'église abbatiale en 1464. Elle subit de nouveaux dommages pendant les guerres de Religion et connut un net déclin après son placement sous le régime de la commende en 1583. Un grand bâtiment occidental fut élevé en 1727, mais l'abbaye fut supprimée par décret royal en 1774. Annexés au projet du port militaire, ses terrains furent réquisitionnés en 1778 et l'Hôtel d'Harcourt, construit à l'ouest, servit de résidence au duc d'Harcourt ; Louis XVI y séjourna lors d'une inspection des travaux de la rade. De 1793 à 1866, les bâtiments furent employés comme hôpital de la Marine ; la maison abbatiale fut détruite en 1839 et sa grande cheminée du XVIe siècle démontée pour être installée à la mairie. L'ensemble passa ensuite à la caserne Martin des Pallières puis fut vendu en 1928 et transformé en cité ouvrière dite Cité Chantereyne. Épargné par les bombardements, le site fut incendié en juin 1944 par les forces allemandes au moment de leur départ. La municipalité acquit les ruines en 1961 et engagea des travaux de consolidation et de restauration dès 1964 ; des campagnes plus importantes eurent lieu entre 1972 et 1986, puis des interventions archéologiques et de mise en valeur se sont poursuivies. Le portail occidental du XIIIe siècle fut redécouvert en 1892, remonté dans le jardin public et classé en 1909 ; les bâtiments conventuels firent l'objet d'un classement partiel en 1913 et l'ensemble des vestiges et sols de l'abbaye fut classé en 2002. Les fouilles ont notamment mis au jour en 1994 une plate-tombe en terre cuite datée de la fin du XIIIe siècle, classée en 1995 et exposée sur le site ; la grande cheminée sculptée du logis abbatial est conservée dans la salle du conseil de l'hôtel de ville. Des éléments mobiliers et sculptés, dont des statues d'albâtre, ont été déposés dans les églises locales. Aujourd'hui subsistent de l'époque médiévale la façade de l'église abbatiale, la salle capitulaire, des bâtiments conventuels et un logis isolé ; le logis de l'abbé fut reconstruit au XVIIIe siècle. L'église, à nef unique et chevet plat, mesure environ 40 mètres sur 14 ; elle comportait une tribune voûtée et s'éclairait par des baies à lancettes ; son portail ouest est visible dans le jardin public. La chapelle Saint-Hélier, reconstruite au XVe siècle, conserve notamment une vaste baie gothique, sa tour d'escalier et des assises de l'église du XIIe siècle. Le chauffoir et les cuisines, qui fermaient le cloître à l'est, sont voûtés en arêtes et divisés par une série de piliers ; le réfectoire du XIIIe siècle, élevé sur un cellier, se présente comme une haute salle de sept travées éclairée par des lancettes et dotée d'une tribune de pierre. La salle capitulaire, également gothique, est organisée en deux nefs de six travées et ouvre sur le cloître ; des traces d'arcades et d'arrachements subsistent sur le mur sud du cloître dont les galeries ont disparu. L'Hôtel d'Harcourt, édifié au XVIIIe siècle pour les chanoines puis transformé en résidence, est aujourd'hui en partie ruiné. Les vestiges témoignent d'une histoire longue et mouvementée, marquée par des phases de prospérité, de dommages répétés, d'occupations militaires et de réaffectations, et enfin par une restauration et une valorisation patrimoniale menées par la ville.