Origine et histoire
La Heidenkirche, ancienne église en ruine, se dresse sur un promontoire rocheux de la commune de Butten, en Alsace, au pied du Katzenkopf, dans la forêt communale et à l’écart des habitations. Aujourd’hui isolé, le site desservait autrefois le village disparu de Birsbach et se trouvait relié, jusqu’au XVIIIe siècle, à des chemins très fréquentés menant à Diemeringen, Soucht et Bitche. Un document de 1361 atteste que Birsbach accède au statut de paroisse, et l’essentiel de l’édifice tel qu’on le connaît date du XIVe siècle; un massif oriental est ajouté ultérieurement et la nef est voûtée dans la seconde moitié du XVe siècle. Le village se vide à la fin du XVe siècle, mais l’église, dédiée à l’apôtre Saint-Mathieu, conserve un rôle de pèlerinage jusqu’à l’introduction de la Réforme vers 1570, qui met fin à son usage régulier; des monnaies et des tessons des XVIe et XVIIe siècles montrent toutefois une fréquentation occasionnelle après cet abandon. Paul Amiet fouille et photographie les vestiges en 1911, mais l’arrêt du chantier expose les restes aux intempéries et aux pilleurs et entraîne la disparition de nombreux éléments sculptés. Des travaux de reconstruction entrepris dans les années 1950 par le curé de Lorentzen sont réalisés sans respect des vestiges et entraînent de nouvelles destructions. Les vestiges médiévaux, principalement le mur-pignon, ont été inscrits au titre des monuments historiques le 5 septembre 1996, et un projet de mise en valeur lancé en 1998 a conduit à des consolidations et à deux campagnes de fouilles en 1999 et 2001. L’église repose sur une butte naturelle dont le socle de grès du Buntsandstein est atteint par des fondations soignées, engagées jusqu’au rocher à environ 1,60 m et mises en œuvre avec peu de mortier, sans doute pour faciliter le drainage des eaux de ruissellement. Le chevet médiéval, connu par les fouilles et les photographies d’Amiet, formait un rectangle voûté, doté de contreforts orientaux et de nervures d’ogives; Amiet note aussi une base monolithe d’autel et un linteau prétendument du XIIe siècle au droit d’une porte sud, constatations qui ont disparu et ne peuvent plus être vérifiées. Les campagnes récentes ont mis au jour deux chœurs médiévaux successifs : un premier chevet irrégulier, probablement contemporain du portail occidental du XIVe siècle, puis un chevet régulier lié à la mise en place des voûtes au XVe siècle; ces remaniements ont coupé des tombes d’un cimetière comportant trois niveaux d’inhumations, la plupart d’enfants et d’adolescents enterrés en pleine terre sans cercueil. La nef médiévale a en grande partie été détruite par les travaux des années 1950, qui ont notamment fait disparaître le dallage d’origine dont quelques dalles subsistent seulement à l’extrémité nord-ouest mises au jour en 2001; des fondations subsistent toutefois et le tracé médiéval est encore reconnaissable malgré des réutilisations. La façade occidentale constitue le principal vestige visible : la partie authentique est limitée à la hauteur du portail gothique du XIVe siècle, aux piédroits ornés de trois colonnettes à chapiteaux tronconiques et à un tympan monolithique à trilobes, tandis que le pignon élevé en 1955 est en grande partie moderne. L’église était entourée d’un mur d’enceinte postérieur à sa construction, conservé sur moins d’un mètre d’élévation et d’environ 0,85 m d’épaisseur; les fouilles de 1999 ont montré que sa fonction principale était la stabilisation du terrain et la limitation de la pression de la pente sur les fondations, plutôt qu’une protection défensive. Seul vestige du village de Birsbach, la Heidenkirche illustre les transformations et les ruptures subies par de nombreuses églises rurales, et le site a fait l’objet d’interventions archéologiques et de travaux de consolidation pour en préserver les restes.