Origine et histoire
La Manufacture des tabacs d'Issy‑les‑Moulineaux, située 17 rue Ernest‑Renan, a été construite de 1900 à 1904 par le Service central des Constructions de la Direction générale des Manufactures de l'État (tabacs et allumettes) pour remplacer la manufacture du Gros‑Caillou, démolie en 1909. L'ingénieur Paul Berdin a repris le plan type élaboré par Eugène Rolland, modèle qui privilégie la mécanisation, l’organisation des ateliers autour des chaufferies et une architecture solennelle; la manufacture d'Issy fut le dernier établissement conçu selon ce modèle. Conçue principalement pour la confection de cigarettes de luxe destinées au marché parisien, elle employait jusqu’à 1 200 ouvriers à son ouverture, dont deux tiers de femmes, et assurait une production de 500 cigarettes par minute. La mécanisation porta la production à 1 600 cigarettes par minute en 1930, pour 533 employés dont 300 femmes. L’établissement produisit divers articles — notamment cigares et scaferlati — avant de se spécialiser dans les cigarettes de luxe; les marques Boyard, Marigny et Gitanes y furent fabriquées jusqu’en 1977. En 1939, une partie du personnel fut réquisitionnée et transférée à la manufacture de Riom pour le ravitaillement des armées; lors de la Seconde Guerre mondiale, deux bâtiments furent détruits par un bombardement aérien le 3 juin 1940 (opération Paula) et furent reconstruits après-guerre, la manufacture retrouvant son activité en 1954. L'usine cessa son activité en 1978 et fut inscrite au titre des monuments historiques en 1984. Avant d'être réhabilités, les bâtiments servirent quelque temps de plateaux de tournage. À partir de 1985, les architectes François Ceria et Alain Coupel conduisirent une opération de reconversion qui, achevée en 1989, transforma les lieux en logements, bureaux et commerces; l’intervention comprit la réduction de la hauteur de la cheminée et la démolition d’un bâtiment d’ateliers sur la rue Maurice‑Hartmann ainsi que d’un logement rue Michelet destiné à l’ingénieur. Les bâtiments restants accueillent un programme mixte de logements de fonction pour le ministère des Finances, de commerces et de bureaux. L’ensemble conserve des éléments patrimoniaux, notamment la grille, le bâtiment administratif, la galerie et la porte d’entrée. Son architecture reprend le modèle Rolland, caractérisé par une cheminée de 45 mètres, des bâtiments disposés orthogonalement pour faciliter la circulation par des passages couverts et de vastes ateliers organisés autour de la chaufferie. Le bâtiment administratif, en pierre, occupe le centre d’une cour d’honneur fermée; les ateliers s’étendent sur une surface de 16 248 m2, protégés à l’origine par de hauts murs et flanqués de deux petits pavillons donnant sur la rue Ernest‑Renan. L’ancien bâtiment administratif compte deux étages; les bâtiments de production, hauts de trois étages, sont en briques avec angles et encadrements de fenêtres en pierre. Certains niveaux sont reliés par des galeries au premier ou au deuxième étage, sans liaison au rez‑de‑chaussée afin de limiter la propagation des incendies.