Origine et histoire de l'ancienne Papeterie
Un premier moulin à papier est installé sur le fleuve dès 1791, et la Société Lacroix frères est fondée en 1833 dans le bâtiment-pont. La papeterie se développe sur le site jusqu'à sa liquidation vers 1885, puis devient en 1901 une usine produisant du papier à cigarette après son acquisition par Eugène Bardou, qui relance la production. L'usine fonctionne jusqu'en 1970, date à laquelle l'activité est transférée ailleurs, et la ville rachète l'ensemble en 1979. De nombreux bâtiments sont détruits, d'autres sont réhabilités et accueillent aujourd'hui le musée du papier d'Angoulême. La cheminée de Saint-Cybard, construite entre 1887 et 1890 et accolée à la chaufferie, constitue le seul vestige intact de la célèbre papeterie du Nil et symbolise cette industrie de renommée internationale.
Les papeteries Joseph Bardou et fils, dites Le Nil, sont créées à Perpignan vers 1830 et à Angoulême vers 1880. Jean Bardou crée la marque de papier à cigarettes "J.B" vers 1845, qui devient rapidement JOB, et la production se développe considérablement ; en 1852 ses descendants adoptent le nom Bardou Job. Joseph Bardou ouvre en 1849 un atelier de façonnage sous les marques Papier Bardou et Riz Bardou, signées "JH Bardou", et obtient des récompenses pour la qualité de ses papiers à partir de 1855. Vers 1880, il fait fabriquer une partie de sa production par les papeteries charentaises Lacroix de La Couronne et du Petit Montbron. Son fils Eugène Bardou crée en 1885 une société en commandite impliquant notamment Adolphe Lacroix et JH Bardou et fils, précisant qu'elle possède une usine à Angoulême.
Dès les années 1870 une partie de la production est exportée au Moyen-Orient, en particulier en Égypte, d'où l'idée de nommer l'une des marques "Nil", déposée au tribunal de commerce de Perpignan le 13 mai 1887. La marque est promue par des réclames représentant sphinx, pyramides, palmiers et un éléphant ; en 1912 Leonetto Cappiello redessine cet éléphant avec le slogan « Les fumeurs avisés ne fument que Le Nil ». Adolphe Lacroix transfère en 1901 sa production du Petit Montbron à la papeterie de Saint-Cybard ; cette association avec Eugène Bardou dure jusqu'en 1910. À Saint-Cybard fonctionnent alors deux machines à papier ainsi que des bobineuses, filigraneuses, gommeuses et machines à enchevêtrer, tandis que le façonnage s'effectue à Perpignan et la fabrication à Angoulême.
En 1919 la société dirigée par Édouard Broussaud prend le nom de Bardou Broussaud Bonfils ; Broussaud, notable d'Angoulême, est un dirigeant paternaliste reconnu pour son action sociale et l'usage de la publicité, et il est à l'origine de la marque ZED. La papeterie est fermée entre 1910 et 1919 et des travaux de réaménagement commencent dès 1914 ; l'usine de Perpignan est transférée à Angoulême en 1930. L'entreprise connaît ensuite un fort essor et fabrique toutes sortes de papiers minces, notamment du papier à cigarettes et du papier bible, faisant la notoriété du Nil, citée dans la littérature et utilisée comme visuel dans des émissions de télévision.
L'entreprise adopte une politique paternaliste offrant salaires, primes, crèches, garderies, services médico-sociaux, comité d'entraide, jardins et logements ouvriers ; en 1930 elle emploie environ deux cents salariés dont les deux tiers sont des femmes. Le centenaire des papeteries, le 7 mai 1949, est marqué par un banquet de plus de sept cents couverts. Le Nil est cédé en 1968 aux papeteries Bolloré (OCB), et à la fin de 1970 la machine à papier de Saint-Cybard cesse son activité avant le transfert progressif des ateliers à Cothiers. Après rénovation, les locaux abritent le musée du papier d'Angoulême, dont les collections comprennent de la publicité de 1906, des éléments des anciennes papeteries du Nil de Saint-Cybard, divers papiers à cigarettes dont le "Riz Lacroix" et l'affiche du Nil par Cappiello.