Origine et histoire
Ancienne poterie
Située en bordure de la Grande-Baie, sur l'île de Terre-de-Bas (Guadeloupe), la poterie est classée au titre des monuments historiques depuis le 15 décembre 1997. La création du site est attribuée soit à Pierre Guichard, soit à Jean‑Pierre Fidelin, peu après 1760; Jean‑Pierre Fidelin l'exploite jusqu'en 1809 avant de la transmettre à ses descendants. Les Fidelin constituent l'une des plus anciennes familles créoles de la Guadeloupe et possèdent des terres aux Saintes et à Trois‑Rivières, où ils exploitent aussi une poterie citée dès 1716. La fabrication, principalement destinée aux sucreries, portait sur des formes à sucre et des pots à mélasse utilisés pour l'affinage et la cristallisation du sucre. Chaque sucrerie utilisait de deux à trois mille de ces récipients et le renouvellement lié à la casse entraînait une forte demande. Les formes à sucre, hautes de plus de 50 cm, étaient cuites dans d'imposants fours d'environ 7 m sur 5 et plus de 8 m de haut, doublés de briques réfractaires et chauffés pendant plusieurs heures à près de 900 degrés. L'argile provenait de Terre-de-Haut et était mise en forme sur des tours à manivelle sur le site. Le travail était assuré par des esclaves ; l'habitation en comptait 121 en 1811 puis 130 en 1837. Ils exerçaient les fonctions de potiers, transportaient la terre et les poteries sur des pirogues à rames, coupaient le bois nécessaire aux fours, alimentaient ceux-ci ou battaient la terre, et étaient logés dans une trentaine de cases en bois ou en gaulettes recouvertes de paille. Après l'effondrement du marché du sucre blanc à partir de 1815, la poterie diversifie sa production en fabriquant des pots de fleurs, des jarres, des pots à anses et des carreaux. Jusqu'en 1830, un quart de la population de Terre-de-Bas travaille à la poterie. Globalement, l'activité principale se déroule entre 1760 et 1860, puis le site s'oriente vers la distillation de bois d'Inde, fonctionnement qui devient intermittent dans la seconde moitié du XIXe siècle et se poursuit jusqu'en 1920. Parmi les propriétaires successifs figurent peut‑être Pierre Guichard, puis assurément Jean‑Pierre Fidelin de 1764 à 1809, ensuite son gendre Marie‑Joseph Grizel Sainte‑Marie et d'autres descendants; depuis 2015, le propriétaire est le docteur Pierre Sainte‑Luce. L'ensemble, implanté en bord de mer sur plus de deux hectares, se distingue par l'ampleur des installations et le nombre de bâtiments conservés. Sur le terrain subsistent des murs en élévation, la masse de deux fours, une citerne, les vestiges d'un moulin à bêtes et plusieurs bâtiments en ruine non identifiés. L'habitation principale associée à la fabrique, citée dans les sources, n'a pas été localisée ; elle a pu disparaître lors des ouragans particulièrement dévastateurs de 1825 et 1865, qui ont entraîné de nombreuses reconstructions des bâtiments de production. Les vestiges témoignent du rôle industriel et maritime de l'atelier, qui profitait d'un mouillage favorable dans la Grande-Baie pour l'acheminement des matières et des produits. Le site, par son étendue et ses restes matériels, illustre l'importance de la céramique utilitaire dans l'économie sucrière et la transformation progressive des activités au XIXe siècle.