Origine et histoire
Les forges des Salles, implantées sur les communes de Sainte‑Brigitte (Morbihan) et Perret (Côtes‑d'Armor), forment un village sidérurgique fondé au début du XVIIe siècle et installé au cœur de la forêt de Quénécan. Établies entre 1621 et 1623 par Henri II de Rohan, elles ont introduit en Bretagne la technique indirecte et accueilli une fenderie confiée à Geoffroy de Finement. Plusieurs bâtiments furent remaniés au XVIIIe siècle — certains auraient été reconstruits en 1750 — et d'autres aménagés au XIXe siècle sous la famille de Janzé, propriétaires jusqu'à la fin de l'exploitation. L'activité métallurgique, qui produisait marmites, galettoires, verges à clous et boulets, s'appuyait sur les ressources locales : mines de minerai dans les collines voisines, forêts pour le charbon de bois et retenues d'eau aménagées pour actionner les roues hydrauliques. Quatre étangs (des Salles, du Vieux Fourneau, de la Forge Neuve, du Guéhault) alimentaient la forge, le plus vaste couvrant près de trente hectares ; un bief de plusieurs kilomètres reliait ces retenues pour assurer la force motrice nécessaire.
Le site comprenait hauts‑fourneaux, affinerie, fenderie, fonderie, moulerie et installations annexes (hangars, dépôts, écuries), ainsi qu’un ensemble de logements et d’équipements sociaux organisés en véritable cité ouvrière. La Rangée des forgerons, alignement de douze logements en schiste, illustre la cohérence architecturale du site : pièces de vie au rez‑de‑chaussée, remises, petits jardins et communs pour le bétail, tandis que la demeure du maître de forges domine le groupe et s’accompagne d’un jardin en terrasses nommé le Thabor. La charpenterie, la maréchalerie, la régie, une cantine‑épicerie et une chapelle complétaient l’organisation matérielle et sociale du village ; l’école officielle y fut installée en 1833 et fonctionna jusqu’en 1968.
Sous l’Empire et au XIXe siècle, la concurrence des forges au coke, la médiocrité du minerai local, l’épuisement des ressources forestières et les réorientations du commerce entraînèrent le déclin de la production : le haut‑fourneau cessa son activité à la fin du XIXe siècle et l’ensemble du site fut progressivement « fossilisé », ce qui a contribué à sa remarquable conservation. Après la fermeture industrielle, la cantine continua de tenir un café‑épicerie jusqu’en 1954 et le village resta habité par des descendants d’ouvriers jusque dans les années 1980.
Propriété des descendants de la famille de Janzé, la famille du Pontavice, le domaine a fait l’objet d’inscriptions au titre des monuments historiques (façades et toitures en 1981 ; la forge neuve, les jardins en terrasses et les maisons des contremaîtres en 1993). En 1990, Jacques du Pontavice confia à son épouse Éliane et à leur belle‑fille la création de l’Association des Amis des Forges des Salles, qui a ouvert le site au public en 1992 et conduit depuis d’importants travaux de restauration selon les techniques traditionnelles. Le musée et l’exposition permanente ont été modernisés en 2015 ; les recettes de visite, complétées par des subventions, financent en grande partie la préservation du site, qui reçoit entre 10 000 et 15 000 visiteurs par an. Les propriétaires développent également des offres d’hébergement dans des maisons restaurées et des structures insolites pour valoriser le patrimoine et assurer la pérennité du lieu.