Origine et histoire
La Via Aurelia, ou voie Aurélienne, est une grande voie romaine qui longeait la côte méditerranéenne depuis Rome jusqu'à Luni puis, prolongée, jusqu'en Gaule narbonnaise où elle se raccordait près d'Arles à la voie Domitienne et à la via Agrippa. Sa construction a été lancée à partir de 241 av. J.-C. par le consul Caïus Aurelius Cotta et la voie a ensuite été prolongée par divers responsables, notamment par Æmilius à partir de 109 av. J.-C. et par l’empereur Auguste qui, après ses campagnes dans les Alpes-Maritimes, étendit la voie de Plaisance au fleuve Var à partir de 13 av. J.-C., donnant ainsi naissance à la Via Julia Augusta. Ce prolongement permit de raccourcir considérablement l’itinéraire vers l’Hispanie en évitant le passage par le col de Montgenèvre et la vallée de la Durance. Le cursus publicus, le service postal romain, parcourait environ 70 kilomètres par jour sur cet axe, avec quatre changements de chevaux.
En Italie la Via Aurelia longeait la côte tyrrhénienne, desservant notamment Pise et Luni, et, en Ligurie, franchissait des sites comme Albenga et Vintimille, où subsistent des vestiges antiques. En France le tracé antique est souvent repérable sur la carte et se superpose en plusieurs points aux routes modernes, tels la Grande Corniche ou la départementale 17 jusqu’à Salon-de-Provence, même si la voie prenait parfois des itinéraires parallèles encore visibles aujourd’hui. Le long du littoral et de l’arrière-pays, de nombreux vestiges — en particulier des bornes milliaires — jalonnent son parcours et permettent de le délimiter avec précision.
Sur la côte, la station de Lumone au Cap Martin a livré les vestiges d’un mausolée et un diverticule reliait ce point au port Hercule de Monaco. Plus au nord, la montée vers La Turbie conduit au site du Trophée des Alpes, érigé pour commémorer la victoire d’Auguste ; ce monument monumental, très remanié et partiellement détruit au fil du temps, témoigne du renforcement et de la rénovation de la voie à cet endroit. Depuis La Turbie la voie se poursuivait vers Cemenelum, l’actuelle Cimiez à Nice, où l’on conserve un riche ensemble gallo-romain comprenant thermes, habitat, amphithéâtre et vestiges paléo-chrétiens. Dans l’arrière-pays, des découvertes le long du tracé, comme le cénotaphe renfermant l’urne funéraire d’un légionnaire à La Gaude et un vieux pont de pierre, confirment l’importance archéologique du parcours.
La voie traversait ensuite Antipolis (Antibes), fortement romanisée, puis Forum Julii (Fréjus), cité portuaire prospère dont les vestiges romains — thermes, amphithéâtre, théâtre, remparts, aqueduc et restes du port — sont encore visibles. Elle suivait ensuite le cours de l’Argens, empruntait des voies correspondant à la nationale jusqu’au Muy et à Forum Voconii (Vidauban), puis rejoignait Le Luc, Matavo (Cabasse) et Brignoles, où des milliaires et une villa gallo-romaine ont été mis au jour. Turris (Tourves) constituait une station stratégique avec de nombreuses villae, avant que la voie ne contourne Saint-Maximin-la-Sainte-Baume pour gagner Pourcieux et la Grande Pugère ; entre ces communes subsistent des pierres attribuées au Trophée de Marius.
La Via Aurelia arrivait ensuite à Aquae Sextiae, l’actuelle Aix-en-Provence, dont l’histoire est liée à l’oppidum d’Entremont et à la création d’un camp par Sextius, puis se dirigeait vers Salon-de-Provence en suivant le tracé aujourd’hui repéré par la départementale n°17. Elle traversait la plaine de la Crau en passant par Tericiae/Mouriès et poursuivait son parcours vers le Mas d’Archimbaud, le Mas Chabran, Le Paradou et Estoublon, avant d’atteindre Ernaginum (Saint-Gabriel), important nœud routier où elle rejoignait la voie Domitienne menant à l’Espagne et où l’on retrouve la proximité d’Arelate (Arles), ville gallo-romaine majeure.
Un itinéraire de grande randonnée balisé, le GR 653A, emprunte largement le tracé de la Via Aurelia et prolonge en Arles la Via Tolosana (GR 653), itinéraire utilisé historiquement par des pèlerins se rendant à Saint-Jacques-de-Compostelle ; il peut également être parcouru en sens inverse, d’Arles à Menton, par les pèlerins allant à Rome.
Plusieurs vestiges de la voie sont protégés au titre des monuments historiques, parmi lesquels le Mausolée de Lumone, le Trophée des Alpes, de nombreuses bornes milliaires de la Via Julia Augusta dans les Alpes-Maritimes et des bornes isolées à Favary, Bidoussanne, Caseneuve, le Petit Merle, le Merle, La Calanque (classée et modifiée par arrêté), ainsi que la borne milliaire de Maussane‑les‑Alpilles au mas de Chabran, la colonne milliaire du Paradou (classée), le pont du Burlande, la borne milliaire du château d’Estoublon à Fontvieille et le pont romain entre Saint-Maximin-la-Sainte-Baume et Pourcieux.