Origine et histoire
L'aqueduc des eaux de Rungis, dit aussi aqueduc Médicis et parfois aqueduc d'Arcueil, a été érigé sur ordre de Marie de Médicis pour conduire à Paris les sources captées à Rungis. L'adjudication fut confiée à Jean Coing en octobre 1612 ; Louis XIII posa la première pierre du grand regard le 17 juillet 1613. Jean Coing mourut en 1614 et le chantier fut repris par son gendre Jean Gobelain ; l'aqueduc fut mis en eau le 19 mai 1623 et alimenta le château d'eau de la rue d'Enfer, mais les Parisiens n'en bénéficièrent pleinement qu'à partir de 1628. Il s'agit d'une conduite essentiellement souterraine, qui franchit la vallée de la Bièvre par un pont-aqueduc au niveau d'Arcueil et de Cachan, ce qui explique son ancien nom d'aqueduc d'Arcueil, appellation toutefois ambigüe. La partie située hors de Paris est inscrite au titre des monuments historiques et certains éléments sont classés ; l'ouvrage appartient à la Ville de Paris et est géré par Eau de Paris.
Jusqu'au XIXe siècle, l'aqueduc mesurait 12 936 mètres entre le carré des eaux de Rungis (regard n°1 dit Louis XIII) et le château d'eau de l'Observatoire (regard n°27), traversant Fresnes, L'Haÿ-les-Roses, Cachan, Arcueil, Gentilly puis les 14e et 6e arrondissements de Paris. Sous le Second Empire, la partie parisienne fut déclassée et, à partir du boulevard Jourdan, les eaux furent dirigées vers les réservoirs du Panthéon ; depuis la suppression de ces réservoirs en 1904, elles sont déversées dans le lac du parc Montsouris, ramenant la longueur de l'aqueduc à 10 420 mètres. Le tracé n'est pas matérialisé en surface : il traverse des propriétés privées soumises à une servitude de 30 mètres de part et d'autre, avec des restrictions de construction et d'installation.
La galerie souterraine a environ 1 mètre de largeur et 1,75 mètre de hauteur, voûtée en plein cintre et appuyée sur des murs en meulière et caillasse, renforcés par des chaînages en pierre de taille ; le sol comporte deux banquettes séparées par une cunette carrée d'environ 40 centimètres. Située à quelques mètres sous le niveau du sol, parfois jusqu'à 15 mètres, elle est praticable à sec sur toute sa longueur. L'eau y circule librement jusque vers le regard n°10 à Cachan ; au-delà, une conduite en fonte, posée lors du raccordement aux réservoirs du Panthéon, prend le relais lorsqu'un écoulement gravitaire n'est plus possible. La pente moyenne de l'aqueduc est de 1,4 m pour 1 000 m.
La galerie n'a été reconstruite qu'à la marge : une courte section à Cachan après un glissement de terrain au début du XIXe siècle, deux siphons au niveau des tranchées des autoroutes A86 à Fresnes et A6 à Arcueil (respectivement en 1990 et 1960), et une déviation au début des années 2000 contournant le parc Médicis à l'est de Fresnes. En zone parisienne, l'ancienne galerie a été coupée lors d'aménagements urbains et certains tronçons ont été cédés à des riverains pour être transformés en caves ou en abris.
Les regards permettent l'accès à la galerie par un escalier et abritent un bassin destiné à oxygéner l'eau et à favoriser la décantation ; il en existe 258 trappes de visite complémentaires. La partie en service compte 21 regards ; seuls les n°16 et n°21 n'apparaissent plus en surface. Les plus importants, les n°1, n°3 et n°13, sont classés monuments historiques. La partie parisienne comprenait six regards, dont le château d'eau de l'Observatoire (n°27), dit Maison du Fontainier, qui assurait la répartition des eaux entre le roi, la ville et les communautés religieuses ; ce bâtiment dispose de sous-sols classés en 1994 et partiellement restaurés, accessible au public sous conditions. Des regards subsistent encore, notamment le n°25 dans l'enceinte de l'hôpital La Rochefoucauld et le n°26 dans les jardins de l'Observatoire ; le n°23 a été dégagé puis remplacé par une copie du n°25.
Le débit initial de l'aqueduc fut réparti entre une part de 18 pouces pour le palais et les jardins du Luxembourg et une part de 12 pouces pour l'usage public. Quatorze fontaines publiques et privées furent alimentées, parmi lesquelles la fontaine des Carmélites, la fontaine du Pot-de-Fer (60 rue Mouffetard), la fontaine Censier, la fontaine Saint-Magloire, la fontaine du collège de Navarre, la fontaine Sainte-Geneviève et la fontaine Saint-Côme ; un conduit traversant la Seine par le pont Notre-Dame desservait une fontaine sur la place de Grève.
Le pont-aqueduc d'Arcueil-Cachan est le seul ouvrage d'art de surface de l'aqueduc : long de 379 mètres et haut de 18,86 mètres, il comporte trois parties dont une travée centrale de dix-huit sections, neuf d'entre elles présentées en arcade en plein cintre ; il est attribué à Thomas Francine et Louis Métezeau, s'appuie sur les regards n°13 et n°14 et domine le cimetière de Cachan. Situé à l'emplacement approximatif du vieux pont de l'aqueduc de Lutèce, il est classé au titre des monuments historiques et a servi plus tard de base au passage de l'aqueduc de la Vanne.
Le carré des eaux de Rungis, galerie collectrice quadrilatère alimentée par des barbacanes, captait les sources affleurant immédiatement au nord du village ; il ne fournissait qu'environ 40 % du débit de l'ancien aqueduc de Lutèce, dont le bassin principal était situé à Wissous. À l'angle ouest du carré se trouve le regard n°1, point de départ de l'aqueduc, et de nombreuses sources le long des coteaux ont également été collectées. Au moment de la mise en service, le débit était de 1 280 m3 par jour ; des prises complémentaires furent raccordées au fil du temps, notamment la Pirouette et le Maillet au début des années 1650, la Fontaine Pesée à Cachan en 1670 et les eaux de la plaine sud vers Wissous et Morangis en 1782. Les travaux d'époque avaient par ailleurs installé le regard des Sources lors du drainage lié à la construction de l'aqueduc de la Vanne vers 1870, puis la plaine de Paray fut drainée de façon systématique en 1967 pour l'extension de l'aéroport d'Orly.
L'urbanisation, en particulier la construction du Marché d'intérêt national, d'infrastructures routières et de l'aéroport, a tarit la plupart des sources de Rungis, y compris le carré des eaux ; aujourd'hui l'aqueduc n'est plus alimenté que par les eaux de la plaine de Paray et des coteaux de la Bièvre. Les eaux, autrefois réputées limpides et très calcaires, sont devenues impropres à la consommation avec l'industrialisation et l'urbanisation du XXe siècle : une analyse réalisée sur un prélèvement à Montsouris en 1996 montrait des concentrations trop élevées de bactéries pathogènes, de nitrates, de sulfates et de fer. Le musée Carnavalet conserve de nombreux documents et objets liés à l'aqueduc, dont une médaille de 1614 commémorant le commencement des travaux.