Origine et histoire
L'aqueduc Médicis, dit aussi aqueduc des Eaux de Rungis, a été construit sur l'ordre de Marie de Médicis pour amener à Paris les eaux captées à Rungis, dans l'actuel Val-de-Marne ; mis en service en 1623, il fonctionne encore aujourd'hui. Il est la propriété de la Ville de Paris et géré par Eau de Paris. Il s'agit d'un aqueduc principalement souterrain qui traverse la vallée de la Bièvre par un pont-aqueduc au niveau d'Arcueil et de Cachan, d'où son ancien nom d'« aqueduc d'Arcueil », appellation toutefois ambiguë car plusieurs ponts-aqueducs existent dans la zone. La partie hors Paris est inscrite au titre des monuments historiques et certains éléments sont classés.
L'approvisionnement en eau de Paris, préoccupation majeure sous Henri IV, a conduit aux études de Sully pour capter les eaux de Rungis, reprises ensuite par Marie de Médicis qui souhaitait alimenter en particulier les fontaines du futur palais du Luxembourg. L'adjudication des travaux intervint en 1612, le jeune Louis XIII posa la première pierre du grand regard de Rungis le 17 juillet 1613, et après quelques changements d'entrepreneurs l'aqueduc fut mis en eau le 19 mai 1623 jusqu'à la Maison du Fontainier ; il fallut encore cinq ans pour qu'il alimente les fontaines publiques de Paris.
Jusqu'au XIXe siècle l'aqueduc mesurait 12 936 mètres entre le carré des eaux de Rungis, au regard n°1, et le château d'eau de l'Observatoire à Paris, regard n°27, traversant Fresnes, L'Haÿ-les-Roses, Cachan, Arcueil, Gentilly puis les 14e et 6e arrondissements. Il suit en surplomb la vallée de la Bièvre et longe sensiblement le tracé de l'ancien aqueduc de Lutèce. Sous le Second Empire la partie parisienne fut déclassée : à partir du boulevard Jourdan les eaux furent dirigées vers les réservoirs du Panthéon construits en 1843, puis, après la suppression de ces réservoirs en 1904, elles sont déversées dans le lac du parc Montsouris, réduisant la longueur active de l'aqueduc à 10 420 mètres.
Le tracé n'est pas matérialisé en surface et traverse des propriétés privées soumises à une servitude de 30 mètres de part et d'autre, qui encadre constructions et plantations et interdit fosses septiques, cuves à mazout et dépôts de produits toxiques. L'eau circule dans une galerie d'environ 1 mètre de large et 1,75 mètre de hauteur, voûtée en plein cintre et appuyée sur des murs de meulière et caillasse liés au mortier, avec des chaînages de pierres de taille. Le sol présente deux banquettes séparées par une cunette de section carrée d'environ 40 centimètres de côté ; la galerie se situe généralement à quelques mètres sous le sol, jusqu'à 15 mètres entre Rungis et Fresnes, et il est possible d'y marcher à sec sur toute sa longueur. L'eau s'écoule librement dans la galerie jusqu'au regard n°10 à Cachan ; au-delà, elle circule dans une conduite en fonte installée lors du raccordement aux réservoirs du Panthéon, la pente moyenne de l'aqueduc étant de 1,4 m pour 1 000 m.
La galerie n'a jamais été reconstruite dans son ensemble, seulement ponctuellement : une courte section à Cachan après un glissement de terrain au début du XIXe siècle, deux siphons au niveau des tranchées des autoroutes A86 (Fresnes) et A6 (Arcueil) respectivement en 1990 et 1960, et une déviation au début des années 2000 contournant le parc Médicis. À Paris, l'ancienne galerie a été coupée en divers points lors d'aménagements urbains et certains tronçons ont été cédés à des riverains, transformés en caves ou en abris.
Les regards, édicules d'accès composés d'un escalier et d'un bassin favorisant oxygénation et dépôt des impuretés, jalonnent le parcours et sont complétés par 258 trappes de visite. La partie en service compte 21 regards ; seuls les n°16 (Arcueil) et n°21 (Cité universitaire) n'existent plus en surface, tandis que les n°1 (Rungis, dit « regard Louis XIII »), n°3 (Fresnes) et n°13 (Arcueil) sont classés monuments historiques. L'ancienne partie parisienne comptait six regards, parmi lesquels le château d'eau de l'Observatoire, aujourd'hui dit « Maison du Fontainier » (n°27), qui associait logement du fontainier en surface et répartition des eaux en sous-sol ; il fut complété par un réservoir souterrain en 1845, remis au service municipal en 1866 et ses sous-sols, classés en 1994, ont fait l'objet de restaurations partiellement assurées par des bénévoles. Des autres regards parisiens subsistent les n°25, dans l'enceinte de l'hôpital La Rochefoucauld, et n°26, dans les jardins de l'Observatoire ; le n°23 fut dégagé en 1996 puis démoli et remplacé par une copie du n°25.
Le débit de l'aqueduc fut réparti entre une part de 18 pouces pour le palais et ses jardins et une part de 12 pouces pour les besoins populaires, permettant la construction d'une quinzaine de fontaines publiques ou privées, parmi lesquelles la fontaine des Carmélites, la fontaine du Pot-de-Fer rue Mouffetard, la fontaine Censier, la fontaine Saint-Magloire, la fontaine du collège de Navarre, la fontaine Sainte-Geneviève et la fontaine Saint-Côme ; un conduit franchissait même la Seine par le pont Notre-Dame pour alimenter une fontaine sur la place de Grève, dont Louis XIII posa la première pierre le 28 juin 1624.
Le pont-aqueduc d'Arcueil-Cachan est le seul ouvrage d'art apparent de l'aqueduc : long de 379 mètres et haut au maximum de 18,86 mètres, il a été construit par Thomas Francine et Louis Métezeau, se compose de deux massifs flanquant une partie centrale à dix-huit travées dont neuf en arc plein cintre, est limité par les regards n°13 et n°14 et domine le cimetière de Cachan ; il est classé au titre des monuments historiques.
Le captage initial se faisait au carré des eaux de Rungis, une galerie collectrice en quadrilatère recevant les eaux par barbacanes, ce bassin fournissant environ 40 % des eaux que recevait autrefois l'aqueduc de Lutèce dont le carré des eaux de Wissous captait des sources plus lointaines ; le regard n°1 marque le départ de l'aqueduc et, le long du parcours, de nombreuses sources intermittentes ou permanentes étaient également recueillies. Pour augmenter le débit, d'autres prises furent raccordées : au début des années 1650 la Pirouette et le Maillet à Rungis, en 1670 la Fontaine Pesée à Cachan et en 1782 des eaux de la plaine sud vers Wissous et Morangis ; vers 1870 la construction de l'aqueduc de la Vanne entraîna des travaux de drainage associés, le regard des Sources apparaissant alors au coin nord du carré des eaux, et le drainage de la plaine de Paray fut systématisé en 1967 lors des travaux d'extension de l'aéroport d'Orly. Aujourd'hui, l'urbanisation et les infrastructures ont asséché la plupart des sources de Rungis, y compris le carré des eaux, et l'aqueduc n'est plus alimenté que par les eaux de la plaine de Paray et des coteaux de la Bièvre.
Les eaux de Rungis, longtemps réputées pour leur limpidité et leur forte teneur en calcaire, ont vu leur qualité se dégrader avec l'urbanisation du XXe siècle : une analyse réalisée sur un prélèvement à Montsouris en 1996 a montré des concentrations excessives de bactéries pathogènes, de nitrates, de sulfates et de fer, rendant l'eau impropre à la consommation. Le musée Carnavalet conserve de nombreux objets, dessins, photographies et maquettes consacrés à l'aqueduc, dont une médaille de 1614 commémorant le commencement des travaux.