Origine et histoire de l'Aqueduc du Gier
L'aqueduc du Gier est un aqueduc gallo‑romain qui alimentait Lugdunum et puise ses eaux dans le Gier, affluent du Rhône. Avec environ 85 km de longueur, il est le plus long et celui dont les structures sont le mieux conservées parmi les quatre aqueducs antiques de Lyon. Plusieurs de ses vestiges bénéficient de protections au titre des monuments historiques, avec des classements notables en 1875, le 20 mars 1912, en 1930 et en 1986. La datation de sa construction a fait l'objet de débats : des tuyaux de plomb marqués au nom de Claude, la « pierre de Chagnon » mentionnant un édit d'Hadrien et une fontaine portant l'inscription CLAVD AVG ont tour à tour été invoqués. Des analyses dendrochronologiques menées en 2018 sur des restes de coffrage découverts dans les fondations du pont‑siphon de Beaunant ont permis de dater ces éléments vers l'an 110, ce qui situe la construction de cet ouvrage sous le règne de Trajan, sans exclure une finition sous Hadrien. L'étude savante de l'aqueduc remonte aux antiquaires du XVIe siècle et a été approfondie par des chercheurs successifs : Delorme publia des recherches en 1760, Gasparin réalisa une cartographie et un nivellement au XIXe siècle, et la thèse de Germain de Montauzan en 1908 pose les bases de la recherche moderne. Depuis les années 1970, les prospections et fouilles ont précisé le tracé, le nombre de tunnels et la localisation de nombreux regards, mais la faiblesse des éléments épigraphiques garde la datation et certains aspects encore discutés. Les deux bornes de protection connues, la pierre de Chagnon (1887) et la pierre du Rieu (1996), portent la même inscription attribuée à Trajan‑Hadrien qui interdit de labourer, semer ou planter dans l'espace de protection de l'aqueduc. Le tracé, reconstitué à partir des vestiges en surface et des regards, part des hauteurs de Saint‑Chamond dans le massif du Pilat, suit le plateau en traversant la Loire et le Rhône et rejoint Lyon en passant notamment par Mornant, Orliénas, Chaponost et Sainte‑Foy‑lès‑Lyon. La dénivellation totale est d'environ 105 m, soit une pente moyenne proche de 1,1 m/km, et le débit de l'ouvrage est estimé à 15 000 m3 par jour ; l'ouvrage comporte quatre siphons. Le captage se faisait non pas à une source ponctuelle mais sur le Gier lui‑même, vraisemblablement relevé par un barrage dans le lit de la rivière, le premier aménagement étant traditionnellement situé à Moulin‑Combat. Le parcours comprend de longues tranchées enterrées, des tunnels—dont un tunnel de 825 m vers Mornant—des ponts‑canaux et de nombreux murs et arches pour franchir les vallées. Sur plusieurs secteurs subsistent des éléments remarquables : le pont‑siphon de la Durèze à Genilac avec son réservoir de chasse où l'on voit sept des dix départs de tuyaux de plomb, classé monument historique, et la tranchée taillée dans le roc au hameau de Collenon. À Chagnon, un canal de contournement de 11,5 km complète le siphon et comprend un tunnel accessible connu sous le nom de « Cave du Curé ». Les vestiges autour de Chaponost et du Plat de l'Air montrent un parement en opus reticulatum alterné de lignes de briques et un enduit intérieur en tuileau ; l'alignement conservait 72 des 92 arches d'origine et le réservoir de chasse du siphon de l'Yzeron est protégé. Le franchissement de l'Yzeron par le siphon et le pont‑siphon de Beaunant constitue le point le plus spectaculaire : le siphon s'étend sur 2 600 m entre réservoirs, présente une flèche de 123 m, une partie basse formée d'un pont‑canal de 270 m et 17 m de haut, et supportait un faisceau de douze tuyaux de plomb de 27 cm de diamètre, destinés à résister à une pression élevée. En aval, le siphon de Trion franchit le col qui précède Fourvière, avec un réservoir de chasse situé dans le fort Saint‑Irénée et un réservoir de fuite disparu dans l'actuelle rue Roger‑Radisson à Lyon. L'aqueduc met en œuvre presque toutes les techniques romaines habituelles : une pente très faible, près de 73 km de tranchée couverte avec un conduit de 3 m de haut sur 1,5 m de large, une douzaine de tunnels, une trentaine de passages aériens en pont‑canal et environ dix passages aériens sur murs et arches. On recensait près de 90 regards repérés en 2001, espacés en moyenne de 77 m, mais le nombre réel de regards est estimé à environ un millier. Des restaurations récentes ont porté sur la restitution des niveaux du sol, la suppression de végétation et la réparation des maçonneries selon des techniques proches des méthodes romaines, notamment lors d'interventions à Chaponost en 2009‑2010. L'aqueduc a été sélectionné pour le loto du patrimoine en mai 2018 et plusieurs de ses sections ont été classées ou inscrites au titre des monuments historiques depuis le XIXe siècle, ce qui traduit l'importance et la fragilité de ce monumental système d'alimentation en eau.