Origine et histoire de l'Aqueduc romain du Gier
L’aqueduc romain du Gier, construit en parement réticulé et attribué au IIe siècle ap. J.-C., est l’un des quatre aqueducs qui alimentaient la colline de Fourvière et la ville antique de Lugdunum. Il est le plus long de ces ouvrages, avec environ 85–86 km entre la Loire et le Rhône et le parcours de 21 communes. Découvert sous l’ancienne teinturerie d’Izieux où il avait servi de conduit industriel, il comprend plus de quarante ponts et 92 arches, dont environ 70 restent visibles aujourd’hui. La datation a fait l’objet de débats : des tuyaux de plomb marqués du nom de Claude, l’inscription dite « pierre de Chagnon » rappelant un édit d’Hadrien et une inscription CLAVD AVG trouvée sur une fontaine ont successivement soutenu des hypothèses diverses, tandis que la découverte, en 2018, de restes de coffrage en bois datés par dendrochronologie de l’an 110 situe la construction du pont‑siphon de Beaunant sous le règne de Trajan, sans exclure une achèvement sous Hadrien. Les antiquaires et érudits locaux étudient l’ouvrage depuis le XVIe siècle et la thèse de Germain de Montauzan en 1908 a posé les bases des recherches modernes, complétées depuis les années 1970 par des précisions sur le tracé, les regards et la chronologie. Le tracé part des hauteurs de Saint‑Chamond dans le massif du Pilat, épouse le relief du plateau et traverse le Rhône en direction de Lyon, passant notamment par Mornant, Orliénas, Chaponost et Sainte‑Foy‑lès‑Lyon. La dénivellation totale est de 105 m, soit une pente moyenne de 1,1 m/km, et les estimations du débit varient selon les études — par exemple 24 000 m3/jour selon Gasparin et 15 000 m3/jour selon d’autres estimations. Le système met en œuvre presque toutes les techniques romaines : une pente très faible, 73 km de tranchée couverte abritant un conduit de 3 m de haut sur 1,5 m de large, une douzaine de tunnels dont un de 825 m vers Mornant, une trentaine de passages aériens en pont‑canal, dix passages sur murs et arches et quatre siphons pour franchir les vallées. Le siphon de l’Yzeron est l’un des plus spectaculaires : long de 2 600 m entre réservoirs, avec une partie basse formée d’un pont canal et un faisceau de douze tuyaux de plomb noyés dans le mortier pour résister à la pression, et des enduits internes en tuileau attestant l’étanchéité de la conduite. Le parement en losanges (opus reticulatum), alternant avec des assises de briques, est particulièrement soigné au site du Plat de l’Air à Chaponost, usage rare en France et proche de modèles italiens. Des vestiges remarquables subsistent en de nombreux points : le réservoir de chasse et les piles du pont‑siphon de la Durèze à Genilac, le pont‑canal de Jurieux et celui des Granges, les arches et murs à Soucieu‑en‑Jarrest et Chaponost, ainsi que des piles et restes de conduits à Lyon et sur le plateau de Sainte‑Foy‑lès‑Lyon. Les bornes de protection portant la même inscription latine que la « pierre de Chagnon » ont été retrouvées à Chagnon et Saint‑Joseph et rappellent l’interdiction de labourer, semer ou planter dans l’emprise destinée à la protection de l’aqueduc. Des travaux de restauration ont été menés, notamment à Chaponost en 2009–2010 selon des techniques proches des procédés romains, et l’aqueduc a été retenu pour bénéficier du loto du patrimoine en mai 2018. Une section enterrée a été déplacée en 2006 pour la préserver mais son exposition a entraîné une dégradation progressive. Plusieurs parties de l’aqueduc et des ouvrages associés font l’objet de protections au titre des monuments historiques, avec des classements et inscriptions étalés sur plusieurs décennies.