Origine et histoire de l'Aquis Segeste
Ensemble monumental cultuel du Haut-Empire romain, ce site présente une grande place bordée de boutiques et un captage central associé à un vaste complexe antique comprenant un temple, des thermes, un théâtre et une agglomération correspondant à la ville d'eau antique d'Aquis Segesta (aussi notée Aquae Segetae dans les publications récentes). Le seul élément conservé en élévation au XXIE siècle est la partie méridionale d'un sanctuaire de source développé à partir d'un possible lieu de culte gaulois ; il comprend un nymphée enfermé dans un péribole et une galerie à péristyle qui accueillait sans doute des réserves ou des locaux commerciaux. Outre ce sanctuaire, le site livre les traces d'un théâtre, de deux ensembles thermaux, d'au moins un fanum et d'îlots résidentiels desservis par un réseau viaire structuré ; l'ensemble couvre probablement au moins 25 hectares. Fondée au Ier siècle sur un espace fréquenté depuis le Néolithique, l'agglomération connaît son apogée au IIe siècle puis décline tout en demeurant active jusqu'à la fin du IVe siècle avant d'être abandonnée au profit du bourg moderne. Le site est redécouvert au début du XIXe siècle et étudié par sondages et fouilles partielles depuis le milieu du XXe siècle ; jusqu'aux années 2020 les investigations ont surtout porté sur la partie méridionale du sanctuaire et une zone résidentielle au nord‑ouest, tandis que l'archéologie aérienne et la prospection géophysique ont esquissé le plan général. La parcelle qui contient les vestiges visibles a été classée au titre des monuments historiques en 1986 et aménagée pour un accès conditionnel ; la première pierre d'un musée a été posée le 10 juin 2025, avec ouverture prévue en 2027 et création d'un parcours paysager pour repérer les monuments enfouis.
Le site se situe à 2,3 km à l'est du bourg de Sceaux‑du‑Gâtinais, au fond et sur les flancs d'un vallon sec orienté nord‑sud, entre environ 84 m au temple et un peu moins de 80 m au nymphée, les plateaux avoisinant 92,5 m. Le substrat est formé de sables et grès de Fontainebleau recouverts de calcaire du Gâtinais, et le fond du vallon est composé d'alluvions récentes ; les monuments ont utilisé la pierre locale pour dallages et aqueducs. Selon Michel Roncin, la source pourrait résulter d'une boutonnière interceptant la nappe phréatique, hypothèse non confirmée faute de sondage et qui laisse ouverte l'alternative d'un point de collecte des eaux de ruissellement.
L'agglomération se trouve dans le territoire des Sénons, près de la limite avec les Carnutes, et figure sur la table de Peutinger parmi les villes d'eau de l'Empire, rattachée administrativement à la Gaule lyonnaise. Le site est placé à proximité d'axes routiers antiques : l'ancienne voie Sens–Orléans passe à environ 500 m au sud, d'autres itinéraires antiques le contournent et le Fusain, affluent du Loing, constitue un accès fluvial régional. Le toponyme moderne « le Préau » dérive du patois « perriau » (terrain pierreux) et la présence d'une inscription votive retrouvée en 1973 confirme l'attribution à la déesse locale Segeta, dont le culte thermal a conditionné la fondation et le développement du sanctuaire et de la ville.
Les vestiges antérieurs à la romanisation sont attestés par du mobilier néolithique et laténien trouvé dans le nymphée et par des objets celtiques, suggérant une occupation et un culte liés à l'eau avant l'époque romaine. Sous l'Empire, l'essor intervient sous les Flaviens, l'aménagement monumental culminant au IIe siècle avec la construction du nymphée polylobé, la refonte du réseau hydraulique et l'extension des thermes ; des incendies touchent néanmoins divers secteurs à la fin du IIe ou au début du IIIe siècle, puis la crise du IIIe siècle et les remaniements ultérieurs traduisent un déclin progressif. Au IVe siècle le sanctuaire est détruit ou noyé par une montée des eaux et la ville est abandonnée à la fin du siècle ; la canalisation du nymphée est définitivement bouchée par des fagots au Ve ou VIe siècle et la relève de l'occupation se fait au niveau du bourg.
Les recherches modernes comportent des relevés et sondages dès le XIXe siècle, des fouilles systématiques lancées à partir de 1963 par Michel Roncin et poursuivies par des équipes locales, des interruptions liées à l'inondation du site puis la mise en place d'une station de pompage entre 1985 et 1988, des travaux universitaires et des prospections aériennes et géophysiques qui, depuis les années 1990 et jusqu'en 2023, ont élargi la connaissance de l'agglomération et préparé des fouilles préventives.
L'organisation urbaine repose sur un axe principal partant de la voie romaine et organisant deux secteurs : à l'est se succèdent des cours, l'enceinte sacrée de 200 × 75 m abritant les thermes et constructions annexes, puis le sanctuaire de source d'environ 100 m de long entouré d'une galerie et surmonté d'un fanum au nord ; le théâtre est implanté en vis‑à‑vis du temple. À l'ouest, les quartiers résidentiels suivent un plan orthogonal formant des îlots de 80 × 40 m et une vaste place rectangulaire de 50 × 100 m entourée d'un portique. Les voies principales, cardo et decumanus, sont réaménagées à plusieurs reprises et certains tracés antiques persistent dans la voirie moderne.
Le sanctuaire de source est ceint d'un péribole qui ouvre sur une cour de 75 × 100 m bordée d'un portique aux colonnes à chapiteaux corinthiens ou composites ; la façade méridionale comportait deux entrées dont les seuils de 5 m sont encore en place. Les galeries est et ouest comprennent des pièces régulières d'environ 8 × 5,5 m probablement dédiées aux besoins des pèlerins : boutiques, ateliers d'ex‑voto, activités artisanales (travail de l'os, tabletterie, bronzier discuté), salles de soins et métiers de bouche se manifestent par les vestiges retrouvés. Les constructions utilisent fréquemment un petit appareil calcaire local, des terres cuites architecturales et un noyau en opus caementicium ; sols de dalles ou de béton, marbres, mosaïques et enduits peints complétaient le décor.
La source est canalisée vers un nymphée monumental polylobé de 7,80 × 8,90 m construit au IIe siècle, dont le bassin et les abords ont servi de dépôt d'offrandes votives liées à la fertilité et à la guérison ; l'eau, ferrugineuse selon des observations historiques, alimentait ensuite des thermes accolés au péribole avant de rejoindre probablement le Fusain. Deux ensembles de bains se rattachent au sanctuaire : des thermes de cure accolés à la façade sud et alimentés depuis le nymphée, avec caldarium et hypocauste, et un plus grand ensemble public situé à 300 m au sud et desservi par une alimentation indépendante ; un aqueduc d'environ 25 km amenait l'eau depuis des sources de la Bezonde.
Le théâtre, adossé au coteau, laisse apparaître son arc de cavea sur les photographies aériennes et, selon les estimations, mesurait 104 à 115 m de diamètre pour une jauge approchant 13 000 à 15 000 spectateurs ; sa cavea, ses vomitoires et le mur de scène sont repérables, tandis qu'une anomalie au sud‑ouest laisse envisager, sans confirmation, la présence possible d'un amphithéâtre. Les prospections récentes ont aussi mis en évidence au moins deux temples successifs au nord de l'enceinte, dont un fanum de plan carré entouré d'une galerie, difficile à fouiller actuellement.
Le mobilier illustre des échanges régionaux et l'activité cultuelle : statuettes en terre cuite, offrandes en bronze, céramiques locales et importées (sigillée du Sud de la Gaule puis de Lezoux), tesselles de mosaïque, monnaies variées datées de l'époque augustéenne à la fin du IVe siècle et objets en verre. Enfin, le site est mis en valeur par l'association Segeta qui organise visites et ateliers, et le futur musée rassemblera les collections dispersées et permettra la restitution du plan des monuments enfouis.