Origine et histoire de l'Atelier de Gustave Courbet
Gustave Courbet fit aménager à Ornans, d’abord dans un grenier, puis vers 1858 un atelier plus spacieux à l’entrée ouest de la ville, accompagné d’un parc allant jusqu’à la Loue. Il confia à l’architecte Léon‑Marie Isabey l’adaptation d’un local industriel préexistant et la création d’une habitation annexe en forme de chalet. Le bâtiment rectangulaire présente son pignon au fond d’une petite cour ; le côté gauche conserve des baies d’origine. L’atelier comprend deux salles au sol carrelé, dont les plafonds portent des peintures d’oiseaux attribuées à Courbet ; la baie qui relie les deux salles conserve un tympan métallique aux initiales du peintre et la salle antérieure présente deux paysages peints sur la voussure du plafond. Au XXe siècle, le domaine fut démantelé et le chalet démoli. L’atelier a été inscrit au titre des monuments historiques le 24 juillet 2008.
Situé à l’entrée ouest d’Ornans, alors en pleine nature sur la route de Besançon devenue l’avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny, le site fut conçu pour répondre à la pratique du peintre et faire pendant à son atelier parisien de la rue de Hautefeuille, marquant la trajectoire de Courbet entre Paris et son pays natal. Dès 1854 il exprimait le désir d’acheter un emplacement pour construire un atelier et, dans les années suivantes, il acquit de nombreux terrains ; entre 1849 et 1870 il réunit jusqu’à 37 parcelles couvrant près de 86 ares. Son projet visait à installer l’atelier en périphérie, face aux falaises calcaires et à la vallée de la Loue, et à préserver la vue en plantant haies, arbres et vergers ; il confia la plantation et l’entretien de nombreuses essences à des proches.
Pour réaliser la maison‑atelier, Courbet sollicita Léon Isabey, qui avait construit le Pavillon du Réalisme en 1855 ; les plans imaginés respectaient les fonctions d’un atelier de l’époque, mais l’ornementation projetée et le coût mirent fin à la collaboration. Le 6 mars 1860, Courbet acheta la fonderie Bastide, une « maison faite » qu’il aménagea en atelier et en lieu de réception où il convia amis, soutiens et collaborateurs tels que Castagnary, Champfleury, Poulet‑Malassis, Proudhon, Daubigny et d’autres. Cet atelier, indispensable à sa pratique, lui permit de peindre de nombreux paysages de la région ainsi que des œuvres majeures destinées aux Salons, parmi lesquelles des scènes de chasse comme L’Hallali du cerf (1867, Musée des Beaux‑Arts et d’Archéologie de Besançon), Le Rut du printemps (1861, Musée d’Orsay) et Le Cerf à l'eau (1861, Musée des Beaux‑Arts de Marseille), ainsi que des nus tels que Vénus et Psyché (1864, disparue).
Courbet fit réaliser des travaux de couverture et de charpente en 1860, et la plâtrerie des plafonds permit probablement la mise en place des peintures de plafond représentant deux paysages — l’Escaut et la Seine à Bougival — ainsi qu’un ciel parsemé d’hirondelles en vol. Le site comprenait en outre une dépendance en forme de L, bardée de bois et appelée « chalet », destinée à loger des amis ; il n’en subsiste aujourd’hui que quelques photographies. Après l’occupation prussienne d’Ornans en 1871, l’atelier fut pillé et transformé en corps de garde, et de nombreuses collections et œuvres y furent perdues ou dispersées, comme l’atteste l’état établi par le peintre le 6 janvier 1872. Contraint à l’exil en Suisse en raison de son rôle politique et de sa condamnation relative à la colonne Vendôme, Courbet quitta Ornans le 23 juillet 1873 et mourut en exil le 31 décembre 1877.
Sa sœur Juliette, légataire universelle, entreprit au début du XXe siècle la création d’un « petit musée » dans l’atelier pour préserver et promouvoir l’œuvre du maître ; entre 1900 et 1903 elle fit édifier une extension de 100 m2 séparée de l’atelier par une verrière nord surmontée du monogramme G. C., ajouta des contreforts et modifia la couverture. Elle fit aussi réaliser des décors peints, cohérents avec ceux de l’atelier : le ciel étoilé d’hirondelles pourrait ainsi résulter d’interventions successives de Courbet et d’artisans locaux ou d’entrepreneurs qu’elle avait mandatés. L’extension abrita de nombreuses toiles, souvenirs de famille et objets, dont certains furent ensuite dispersés lors de la vente de la collection le 10 juillet 1919, après le décès de Juliette en 1915.
L’atelier fut ensuite vendu à la famille Marguier, qui en fit un lieu de stockage et d’activité commerciale, entraînant des aménagements intérieurs tels qu’une trappe d’accès aux combles, une coursive, un escalier et des cloisons, tandis que la villa attenante fut surélevée entre les deux guerres. Délaissé et en partie oublié au fil des décennies, le dernier atelier de Courbet à Ornans fut acquis en 2007 par le département du Doubs dans le cadre du projet « Pays de Courbet, Pays d’artiste ». Une campagne de restauration menée en 2021 a permis l’ouverture au public en février 2022, le site intégrant désormais le Pôle Courbet.
L’atelier conserve au plafond les seules œuvres peintes attribuées à Courbet pour ce lieu : La Seine près de Bougival et L’Escaut se jetant dans la mer, tandis que certaines parties du ciel parsemé d’hirondelles sont partiellement attribuées à l’artiste et partiellement à des décorateurs locaux. Mitoyenne à l’atelier, l’extension dite maison Marguier ou Villa Courbet accueille aujourd’hui les services de conservation et de médiation, le centre de documentation du Pôle Courbet et des espaces d’exposition et pédagogiques ; le site reçoit aussi des résidences d’artistes, des colloques — dont « L’Atelier sans fin » en mars 2022 —, des conférences, des représentations et des expositions temporaires comme celles de Yan Pei‑Ming et de Charles Belle.
Parmi les autres ateliers ornanais de Courbet, le premier se trouvait dans le grenier mansardé de la maison de ses grands‑parents sur l’ancienne place des Isles Basses, transformé en atelier après 1847‑1848 ; Courbet y exécuta d’importantes œuvres comme Un enterrement à Ornans et y décora le plafond d’un ciel d’hirondelles ; cette demeure est aujourd’hui propriété privée et porte une plaque commémorative.