Origine et histoire
Commanditaire : le préfet Adrien Lezay-Marnésia.
Le banc-reposoir d'Alsace est un banc public en pierre, destiné aux haltes des paysans et paysannes se rendant aux marchés et foires, où ils apportaient les produits de la ferme. Les paysannes portaient un panier posé sur la tête, protégé par un coussinet appelé der Wisch, rempli de son et de balle de blé, tandis que les paysans transportaient leurs produits dans une hotte portée au dos. Lors des haltes, les femmes pouvaient poser leurs fardeaux sur le linteau supérieur et s'asseoir sur la dalle inférieure, le tout étant souvent abrité par quatre tilleuls ; de part et d'autre du banc, deux bornes permettaient de déposer les hottes ou de faciliter la remise en selle des cavaliers.
On distingue en Alsace deux grandes séries de bancs-reposoirs : les bancs du Roi de Rome, aussi appelés bancs Marie-Louise, et ceux de l'Impératrice Eugénie. Les bancs du Roi de Rome furent érigés en 1811–1812 à l'initiative du préfet du Bas-Rhin Adrien de Lezay-Marnésia pour commémorer la naissance de l'Aiglon, fils de Napoléon Ier et de Marie‑Louise d'Autriche. Dans une lettre du 22 avril 1811, le préfet invita les municipalités à établir, à intervalle régulier d'une demi-lieue, des reposoirs en pierre accompagnés d'un banc et de la plantation de quatre à cinq arbres afin que chacun puisse se rappeler : « Nous le devons au Roi de Rome ». Tous les frais incombaient aux communes ; 125 bancs furent construits en 1811 et d'autres probablement par la suite, mais peu ont survécu.
L'initiative reprise pour les bancs de l'Impératrice Eugénie revient au préfet Auguste‑César West et répondait à un vœu de l'impératrice en 1853 ; cette fois, le département prit en charge l'achat et la taille des pierres. En 1854, 448 de ces monuments commémoratifs en grès des Vosges furent dressés le long des chemins et routes d'Alsace ; aujourd'hui ils sont souvent mutilés par les intempéries ou par l'action humaine, mais certains subsistent dans les campagnes.
Des bancs antérieurs au XVIIIe siècle existent, construits selon des besoins locaux comme l'agrément du promeneur ou le repos des vendangeurs, dont au moins un exemplaire subsiste à la sortie de Molsheim sur la RD 422 ; il est possible que celui de Ribeauvillé soit antérieur aux bancs du Roi de Rome. Des modèles postérieurs apparaissent également : des bancs‑sièges en grès datés des années 1875–1880 autour d'Erstein et d'Obernai, des bancs commémoratifs évoquant la réalisation d'infrastructures locales, et des bancs supplétifs de construction plus simple, souvent en bois.
Pendant la période d'annexion après 1870, des prescriptions d'entretien furent émises en 1906 à la suite d'une campagne de presse, mais elles ne furent guère suivies d'effet. Le 27 juillet 1910, l'administration de Basse‑Alsace considéra que la forme de ces bancs ne répondait plus aux besoins contemporains : la dalle supérieure fut jugée inutile avec l'apparition de petites carrioles, et le banc en pierre, trop bas, fut estimé inconfortable, si bien que les bancs endommagés ne devaient plus nécessairement être restaurés. Dans les années 1980, plusieurs bancs-reposoirs d'Alsace furent inscrits à l'inventaire des monuments historiques et protégés par arrêté.
Les bancs-reposoirs se déclinent en plusieurs types formels : bancs curvilignes avec une dalle-siège et dossier, bancs semi‑circulaires à une dalle-siège avec montants à petit chapiteau de style classique, modèles à linteau‑siège avec montants à chapiteau, variantes à double linteau avec montants à chapiteau ou à base élargie, exemplaires à linteau‑siège aux extrémités arrondies, et formes associant un linteau supérieur à une dalle-siège extérieure.
