Origine et histoire de la Basilique Saint-Vincent
L’abbaye Saint-Vincent de Metz, fondée au Xe siècle en Moselle, a conservé des bâtiments qui abritent aujourd’hui le lycée Fabert. Dès le IXe siècle, un modeste oratoire servait de chapelle aux habitants du faubourg de l’île dite alors île Chambière, où la vigne prospérait et où les vignerons avaient dédié leur église à Vincent de Saragosse. En 968, l’évêque Thierry Ier, revenu d’Italie avec des reliques de saint Vincent et de sainte Lucie, confia la fondation aux bénédictins en faisant appel aux abbayes de Gorze et de Saint-Arnould ; l’église abbatiale, dirigée par le moine Odilbert, fut dédiée le 6 août 972. Thierry Ier fut inhumé dans l’église en 984, et celle-ci fut consacrée en 1030 par Thierry II ; placée sous la protection d’Othon II et du pape Jean XIII, l’abbaye gagna des exemptions et des droits confirmés à plusieurs reprises. Centre d’enseignement, Saint-Vincent accueillit des maîtres tels qu’Adalbert et Sigebert de Gembloux, venu en 1051, et dispensait un enseignement fondé sur le trivium et le quadrivium, complété selon les carrières par la médecine, la théologie, le droit et l’étude des langues anciennes. Très riche, la communauté recrutait beaucoup de moines à Gorze et à Saint-Arnould, et son essor imposa au XIIIe siècle des travaux d’agrandissement. En 1248 l’abbé Warin fit démolir l’ancienne église et posa la première pierre d’un nouveau sanctuaire le 7 décembre ; les travaux, financés par l’abbaye, semblent s’achever vers 1376. L’édifice présentait une composition classique avec un haut clocher à l’ouest et deux tours au chevet dominant la Moselle, mais les parties supérieures de ces tours furent détruites par un incendie en 1395. L’évêque Thierry de Boppard consacra la basilique en 1376, et malgré des restaurations, la vie de l’abbaye fut marquée par des difficultés liées aux sièges et à l’annexion à la France en 1553. À partir du XVIIe siècle, des abbés commendataires, parmi lesquels le cardinal Mazarin, se succédèrent ; les moines entretenaient néanmoins l’église en remplaçant l’autel en 1613 et des vitraux après l’explosion de 1655, et en procédant à des aménagements intérieurs en 1682, 1686 et 1724. La grande tour fit l’objet de réparations récurrentes après l’effondrement des cloches en 1656, l’installation d’une horloge en 1692, un incendie en 1705 et la destruction finale par une tempête au milieu du XVIIIe siècle ; en 1752 sa chute détruisit les deux premières travées de la nef, et de 1754 à 1756 deux nouvelles travées furent élevées. Les travaux de reconstruction se poursuivirent en 1768 : les deux premières travées furent refaites à l’identique et l’ancienne tour fut remplacée par un portail inspiré de Saint-Gervais à Paris, sous la direction des architectes Louis, Barlet et Lhuillier, tandis que les bâtiments conventuels étaient également reconstruits. La maison abbatiale fut louée à la ville en 1770 pour y établir un dépôt de mendicité, et un document de 1784 mentionne Louis Jérôme de Suffren comme commendataire de l’abbaye. Supprimée en 1790, l’abbaye connut la Révolution : un religieux qui refusa de partir fut retrouvé mort après son expulsion, l’église devint paroisse en 1791, puis les cloches furent descendues pour être fondues et les lieux successivement transformés en magasin, atelier pour charrois militaires, prison, logement pour prisonniers de guerre et hôpital pour chevaux. Au début du XIXe siècle, le percement de la rue Goussaud modifia encore l’ensemble, et en 1803 l’ancien domaine fut attribué au lycée impérial. À la fin du XIXe siècle, les ateliers Maréchal et Coffetier réalisèrent un vitrail d’après Fra Angelico représentant le Couronnement de la Vierge, et en 1900 la façade classique fut ornée de statues et de bas-reliefs de saint Vincent, sainte Lucie et de leurs martyrs. L’église fut élevée au rang de basilique en 1933 par le pape Pie XI. La maison abbatiale accueille l’école d’application des Îles et l’emplacement des anciennes granges a été occupé par une manufacture de tabacs, mais la plus grande partie de l’abbaye se lit encore dans les murs du lycée Fabert : le cloître à arcades en plein cintre, le corridor d’entrée desservant les salles capitulaires, les vastes réfectoires aux tables de marbre, les bureaux de l’intendance et un escalier menant au premier étage. Le cloître prolonge une grande galerie qui conserve gargouilles et portes richement décorées, des niches à statues et un fronton portant un vers d’Ausone ; une voûte à sept pans inégaux permettait l’installation d’une cheminée, et les salles conventuelles présentent colonnes, chapiteaux corinthiens et ornements en relief figurant mets et poissons. L’intérieur, richement décoré, contraste avec la sobriété des façades étroites mais élégamment encadrées de pierre de taille, et une grande partie du premier étage est occupée par des appartements de fonction. Propriété communale, l’abbatiale fut fermée dans les années 1980 pour raison d’entretien, désaffectée au culte en 2012, puis prise en charge par la ville en 2014 ; elle est ouverte au public de février au dimanche de 14 à 18 heures durant la saison estivale jusqu’aux Journées européennes du patrimoine et sert aujourd’hui de lieu d’exposition, de concerts et de spectacles vivants. La ville a entrepris d’importants travaux sur les couvertures, la façade, la nef et le chevet depuis près de trente ans, et l’édifice dispose désormais d’électricité. Durant le Moyen Âge, l’abbaye possédait plusieurs villages et terres, parmi lesquels Amanvillers, Borny, Courcelles-sur-Nied, Châtel-Saint-Germain, Glatigny (ban Saint-Vincent), Laquenexy, La Maxe, Maizières-lès-Metz, Norroy-le-Veneur et Vany.