Origine et histoire du Beffroi
Le beffroi d'Amiens, situé place au Fil dans le centre-ville, est inscrit à l'inventaire supplémentaire des Monuments historiques depuis le 7 août 1926 et figure depuis 2005 au patrimoine mondial de l'UNESCO au titre des Beffrois de Belgique et de France. Les Amiénois le surnomment en picard « Ch' Bédouf ». L'origine du beffroi remonte à la fondation de la commune d'Amiens en 1113, reconnue par l'évêque Geoffroy et le roi Louis VI. Les comte Enguerrand de Boves et son fils Thomas de Marle refusèrent d'abord cette reconnaissance ; Guibert de Nogent et Suger rapportent ces événements et l'intervention militaire du roi. Les opposants se retranchèrent dans la forteresse du Castillon, héritée de l'époque romaine ; Louis VI tenta un assaut en 1115, fut blessé, puis le siège se prolongea deux ans ; en 1117 le Castillon tomba et fut détruit sur ordre du roi, et les bourgeois firent édifier le beffroi sur son emplacement. Le monument est mentionné pour la première fois dans une sentence arbitrale du chapitre d'Amiens en 1244. Reconstruit au début du XVe siècle entre 1406 et 1410, il symbolisait l'indépendance communale et servit successivement de salle de réunion pour les notables, de dépôt d'archives, de magasin d'armes et de prison, tandis qu'un guetteur surveillait les abords et alertait la population. Un règlement du 29 mai 1782 impose que, sur le son de la cloche du beffroi, les quatre compagnies privilégiées se rendent sur les lieux d'un sinistre vêtues de leurs chapeaux d'uniforme et de leur giberne, pour maintenir l'ordre sous la direction des officiers municipaux et du commandant de place. Le beffroi jouxte les Halles et l'arrière de l'Hôtel de ville et sonnait chaque heure. Il a subi des incendies les 13 août 1562 et 16 avril 1742 ; les réparations ne commencèrent qu'en 1749 et le projet de l'architecte Beffara fut finalement retenu, donnant au beffroi l'aspect qu'il présente aujourd'hui. La grosse cloche « Marie-Firmine » fut fondue le 2 août 1748 dans les jardins de l'évêché par Jean et Charles Cavillier, fondeurs à Carrépuis : elle mesurait 2,43 m de diamètre, 2,06 m de hauteur, pesait 11 tonnes et son battant pesait 315 kg. Le 19 mai 1940, un violent bombardement de la Luftwaffe détruisit la toiture et la charpente ; la cloche de 11 tonnes se brisa en tombant au sol. Le monument resta à l'abandon et dépourvu de toiture jusqu'aux travaux de restauration engagés en 1988 ; il retrouva une nouvelle charpente, inspirée du XVIIIe siècle, en 1989 et une nouvelle girouette dite « renommée » fut posée en 1990. La grosse cloche ne fut pas refondue et un carillon fut installé à sa place, conformément à la décision du maire Gilles de Robien. Le beffroi s'élève à 52 mètres de hauteur ; il présente une base en pierre de taille blanche construite au XVe siècle, surmontée d'un clocher en pierre édifié à partir de 1749, avec des volutes de style baroque à sa base, un dôme couvert d'ardoises, une flèche et la girouette sommitale. À l'intérieur subsistent des cachots ornés de graffitis et les fragments de la cloche brisée. Lors de la restauration, un tailleur de pierre a sculpté, aux arrêts de la moulure de l'archivolte de la porte, les portraits des deux maires qui se sont succédé pendant ces travaux, René Lamps (1988-1989) et Gilles de Robien (1989-1990).