Origine et histoire de la Bibliothèque nationale et universitaire
La Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg (BNU) occupe un bâtiment élevé entre 1889 et 1894 sur la place de la République, dans la Neustadt, conçu par les architectes August Hartel et Skjold Neckelmann. Établissement public à caractère administratif, la BNU compte depuis 1918 plus de trois millions de documents et figure parmi les principales bibliothèques françaises. L'édifice est inscrit et classé au titre des monuments historiques depuis le 10 novembre 2004.
Avant 1870, Strasbourg possédait déjà des collections notables, notamment la bibliothèque du séminaire protestant issue du Gymnase Jean-Sturm et la bibliothèque municipale formée au XVIIIe siècle à partir de l'achat des fonds de Jean‑Daniel Schoepflin. Ces deux ensembles totalisaient plus de 300 000 volumes, dont plusieurs milliers de manuscrits précieux, parmi lesquels l'Hortus deliciarum. Dans la nuit du 24 au 25 août 1870, l'incendie de l'église du Temple-Neuf entraîna la destruction de ces collections. Face à cette perte, Karl August Barack lança un appel aux dons le 30 octobre 1870 ; lors de l'inauguration tenue le 9 août 1871, quelque 200 000 volumes étaient déjà rassemblés au Palais Rohan.
La bibliothèque prit officiellement le nom de Kaiserliche Universitäts- und Landesbibliothek zu Strassburg par déclaration du 19 juin 1872, confirmé par un décret du 29 juillet 1891. Le Palais Rohan devenant rapidement insuffisant, la bibliothèque intégra le bâtiment de la place de la République le 29 novembre 1895. De nombreux envois et dons originaires de bibliothèques et de libraires, ainsi que des apports tels que les 40 000 doubles venus de Königsberg (dont 27 incunables) et les 4 000 volumes offerts par l'empereur Guillaume I, contribuèrent à reconstituer et enrichir les collections ; en 1879 la bibliothèque comptait 386 073 volumes et figurait comme la quatrième d'Allemagne. Sous la direction de Julius Euting, la BNU constitua l’un des fonds d’orientalisme les plus riches d’Europe.
Après la Première Guerre mondiale et le retour de l’Alsace à la France, le statut de la bibliothèque fit l’objet d’hésitations administratives ; un décret du 23 juillet 1926 établit finalement la BNU comme établissement public national. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la bibliothèque mit en œuvre un plan d'évacuation : à partir de 1933 puis en 1939, une grande partie des collections suivit l'université à Clermont-Ferrand et des ensembles précieux furent mis à l'abri dans plusieurs châteaux du Puy-de-Dôme et dans d'autres sites. Lors de l'évacuation, la bibliothécaire Mme Kuhlmann participa à l'emballage et au transfert rapide de la Réserve, du cabinet numismatique et des archives administratives.
Malgré ces mesures, la BNU subit d'importantes pertes pendant la guerre : un bombardement en septembre 1944 endommagea le bâtiment et provoqua la perte d'environ 200 000 volumes, d'autres dépôts furent anéantis, et des transferts vers l'intérieur du Reich entraînèrent la dispersion de collections, dont des ensembles retrouvés à Zwingenberg, Göttingen et Hohenheim. Les pertes totales pour la période sont évaluées à 500 000 ouvrages. Dans l'immédiat après-guerre, le décor intérieur de l'époque wilhelmienne fut démonté dans le cadre d'un projet de restructuration mené de 1951 à 1956, et les sondages récents n'ont retrouvé aucune trace de ce décor.
À partir de 2003, l'État et les collectivités locales ont engagé un vaste projet de restructuration dit « BNU Nouvelle ». Le coût estimé pour le seul bâtiment de la place de la République s'élève à 61 millions d'euros, l'État assurant la plus grande part du financement et la Région Alsace, le Conseil général du Bas-Rhin et la Communauté urbaine de Strasbourg apportant des contributions importantes. Le concours remporté par l'agence Nicolas Michelin prévoit la restructuration des espaces intérieurs, la démolition partielle de structures internes pour retrouver la centralité du dôme et la lumière zénithale, ainsi que la création d'éléments réfléchissants, l'agrandissement des surfaces et la réalisation d'espaces culturels (exposition de 500 m2, auditorium de 140 places). Le projet vise à porter le nombre de places de 500 à 660 et à augmenter le libre‑accès de 35 000 à 200 000 ouvrages.
Les déménagements des collections du bâtiment de la place de la République ont été répartis entre plusieurs sites (dont la bibliothèque municipale de la rue Kuhn, le bâtiment dit Cardosi au 9 rue Fischart et un dépôt à Entzheim). Le bâtiment place de la République a été fermé le 1er octobre 2010 pour travaux ; des opérations lourdes ont été menées en 2011 (destruction de planchers, rehaussement temporaire de la coupole) puis en 2012-2013 pour la construction des nouveaux espaces et l'installation d'éléments comme l'escalier monumental. La BNU a maintenu ses services et ses activités culturelles hors les murs pendant la durée du chantier ; elle a rouvert au public lors d'un week-end portes ouvertes les 22 et 24 novembre 2014.
Les responsables de la bibliothèque portèrent le titre de directeur de 1870 à 1926, puis d'administrateur de 1926 à 2020 ; parmi les noms marquants figurent Karl August Barack, Julius Euting et Ernest Wickersheimer. Depuis le 1er janvier 2016, Alain Colas est le directeur de l'établissement. La BNU est rattachée au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche et son organisation interne s'articule autour de pôles dédiés aux services et collections, au partage et à la diffusion, à l'ingénierie de projets et au numérique, appuyés par un secrétariat général.
La gouvernance repose sur un conseil d'administration assisté d'un conseil scientifique ; ce conseil réunit des membres de droit (représentants ministériels et universitaires, élus locaux), des membres élus, des personnalités qualifiées et des représentants des usagers. Le statut et les missions de la BNU sont précisés par le décret n° 92-45 du 15 janvier 1992, modifié notamment par les décrets de 2010 et 2020, et la bibliothèque est associée à l'université de Strasbourg selon les modalités prévues par la réglementation.
Les collections physiques de la BNU dépassent aujourd'hui 3,3 millions de documents, ce qui place l'établissement au deuxième rang national et au premier rang des bibliothèques de l'enseignement supérieur en France dans certains indicateurs. Les fonds patrimoniaux comprennent la première collection française de papyrus avec plus de 5 200 documents (dont l'Empédocle de Strasbourg), un fonds complet d'ostraca, un cabinet numismatique, environ 6 700 manuscrits (avec des pièces de Goethe, Hans Arp, la Mystique rhénane, une Cité de Dieu enluminée), des bibliothèques privées comme celle de Joseph Arthur de Gobineau, et 2 300 incunables. La reconstitution des fonds après 1871 a fortement influencé leur composition et les axes d'acquisition ultérieurs ; en 1918 plus de 60 % des documents étaient en langue allemande sur un total de 1,1 million d'ouvrages.
La BNU s'affirme comme pôle d'excellence pour les sciences religieuses et l'aire culturelle germanique, pôle associé de la Bibliothèque nationale de France et CADIST pour ces domaines, tout en développant des collections remarquables sur l'Alsace, les questions européennes, les arts et l'Antiquité. Titulaire du dépôt légal imprimeur pour l'Alsace, elle rassemble une documentation exhaustive sur la région et conserve une importante collection iconographique. En 2010, elle disposait d'une collection de vulgarisation scientifique d'environ 12 000 ouvrages ainsi que d'abonnements à périodiques imprimés et électroniques.
Sur le plan numérique, la BNU participe à des projets de numérisation et à des portails tels qu'Alsatica, Europeana et Numistral, ce dernier étant la bibliothèque numérique patrimoniale du site universitaire alsacien ouverte en octobre 2013. La bibliothèque a signé en 2020 une convention avec Wikimedia France et s'engage dans des projets GLAM pour favoriser l'accès libre et la diffusion des savoirs sur le patrimoine alsatique.
Le site de la BNU est desservi par les lignes B, C, E et F du tramway de Strasbourg, arrêt République.