Origine et histoire de la Briqueterie Lambert
La briqueterie Lambert, située au lieu-dit La Lumière à Saint-Piat, doit sa naissance à l'autorisation accordée en 1859 à Jean‑Baptiste Lambert d'installer un four à tuiles ; il possédait déjà un four dans sa ferme du Marais et choisit ce site proche de carrières d'argile (les Plantes, Froid Vent, la Rue Perrée), de gisements de loehm et de sable (les Gaudières) ainsi que de la voie ferrée Chartres–Paris. Le premier four de plan carré a aujourd'hui presque disparu ; quelques vestiges subsistent dans la cave du bâtiment principal, et la cheminée d'un second four détruit se trouve encore à l'extrémité nord du four actuel. Le four double en place, de type Hoffmann, a été élevé entre 1880 et 1910 ; il comporte deux galeries de 32 mètres chacune, chacune percée de neuf portes pour l'enfournement et le défournement, permettant une chauffe continue. L'allumage se faisait à l'extrémité sud de la galerie est ; la montée en température demandait quinze jours, quinze autres jours étaient nécessaires pour que le feu fasse le tour des galeries, et huit jours supplémentaires pour le refroidissement d'une chambre. Le combustible, du charbon, était introduit par des trous ménagés dans la voûte et distribué au fur et à mesure de la progression du feu au moyen d'appareils cylindriques munis d'entonnoirs en céramique. Les briques étaient posées de chant et superposées en quinconce pour favoriser la circulation des fumées ; le défournement s'opérait à l'opposé de la zone d'enfournement. La cheminée orientale était reliée au four par des galeries souterraines et le tirage était réglé par des registres métalliques. Autour du four et au niveau de sa voûte se trouvaient des séchoirs à étagères en bois ; un petit monte‑charge et des rampes en bois guidaient les brouettes chargées de briques crues, tandis que la ventilation était assurée par des volets à lames orientables visibles sur le pignon nord. Des chaudières maçonnées dans les halles de séchage pouvaient, si besoin, réchauffer l'air ; sur le flanc est a été ajouté à une date indéterminée un séchoir tunnel muni de rails pour le transport sur wagonnets. Les machines de broyage, de calibrage et de malaxage ont disparu, mais les tapis roulants et les trémies témoignent de cette zone de fabrication. Un moteur diesel Ruston, daté des années 1930 et remplaçant une machine à vapeur, entraînait les tapis, l'élévateur et la malaxeuse ; il a fonctionné jusqu'en 1995, année de la dernière cuisson, et reste sur place en parfait état de marche. La briqueterie est restée dans la famille Lambert depuis sa création et a cessé définitivement son activité en 1997 à la mort du dernier tuilier, James Lambert. Elle produisait aussi des tuiles — notamment des tuiles plates de pays et des mécaniques de type Gilardoni jusqu'en 1950 — ainsi que des briques pleines flammées réfractaires, des mulots et des paneresses ; la production, d'abord estampillée, a ensuite été vendue à des négociants et desservait principalement le marché local et les régions limitrophes, notamment la Normandie, et aurait fourni des briques pour la construction de l'hôpital Bichat à Paris. À son apogée, l'usine employait environ vingt‑deux personnes en 1937. Le four de type Hoffmann est peu représenté dans la région ; seuls les sites de Grossouvre et de La Guerche peuvent être comparés, mais ils semblent n'avoir conservé ni la disposition ni le matériel d'origine. Le bon état de conservation du site et la présence de l'outillage en place font de la briqueterie Lambert un témoin précieux du développement industriel du XIXe siècle et de l'histoire économique et artisanale de la vallée de l'Eure. L'ensemble a été inscrit au titre des monuments historiques en 1999 et, en 2018, figura parmi les sites retenus par la mission Bern dans le plan de sauvegarde du patrimoine d'Eure‑et‑Loir ; la protection comprend la briqueterie elle‑même, les façades sur la rue de Dionval et sur cour, ainsi que les toits et les cheminées.