Cabaret du Père Lunette à Paris à Paris 5ème dans Paris 5ème

Patrimoine classé Cabaret

Cabaret du Père Lunette à Paris

  • 4 Rue des Anglais
  • 75005 Paris 5e Arrondissement
Cabaret du Père Lunette à Paris
Cabaret du Père Lunette à Paris
Cabaret du Père Lunette à Paris
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Cabaret du Père Lunette à Paris
Cabaret du Père Lunette à Paris
Crédit photo : Raisonnier - Sous licence Creative Commons
Propriété d'une société privée

Période

2e moitié XIXe siècle

Patrimoine classé

La salle du rez-de-chaussée avec ses décors peints (cad. BQ 103 A) : inscription par arrêté du 7 mars 2007

Origine et histoire du Cabaret du Père Lunette

Le cabaret du Père Lunette, situé au 4 de la rue des Anglais (5e arrondissement), fut fondé par le bistrotier Lefèvre, surnommé « Père Lunette » (les sources indiquent 1856, d'autres une ouverture vers 1840). Ce bistrot, d'assez mauvaise réputation, devint une attraction nocturne de la place Maubert et fut fréquemment cité par la presse et des écrivains du XIXe siècle. Les immeubles des nos 2 et 4 furent reconstruits sous la Monarchie de Juillet ; de 1839 à 1846 Antoine Vivenel en fut propriétaire, puis la famille Boucheron conserva l'immeuble de 1846 à 1965. Le bail passa entre plusieurs tenanciers : Lefèvre transmit à Étienne, puis vinrent Louis Pierre Berry, Paul Aldéricque Mary et son épouse Élisabeth (la « Mère Lunette »), enfin Jean Chanson qui tint le cabaret jusqu'en 1908. La police surveillait l'établissement, qui connut des rixes et conserva une réputation trouble rapportée par la presse. Le cabaret faisait partie de la « Tournée des grands-ducs », parcours des curieux des bas‑fonds parisiens, et attira, selon les récits contemporains, des visiteurs de marque. En 1908 le dernier exploitant ne put renouveler le bail : le cabaret fut fermé, son mobilier déplacé, des peintures recouvertes et des tableaux dispersés. La boutique connut ensuite divers usages, notamment un bouillon-restaurant nommé Au Caveau des Anglais, subit des dommages lors de l'inondation de janvier 1910 et cessa d'être exploitable après la Première Guerre mondiale.

L'établissement occupait une boutique étroite de onze mètres sur trois ; sa devanture écarlate et une enseigne en forme de lunettes annonçaient l'entrée. L'intérieur comportait une première salle avec un comptoir en zinc, étagères de bouteilles, bancs et un poêle à charbon, et un escalier menant à la chambre des propriétaires à l'étage. Une cloison vitrée séparait cette pièce d'une arrière-boutique meublée de trois grandes tables dont les murs, appelés le « Sénat » ou le « musée », étaient entièrement peints ; une fenêtre au fond donnait sur une cour étroite peu éclairée.

Depuis les années 1880, les murs du Sénat recevaient des peintures représentant des portraits de personnages publics, des scènes grotesques ou érotiques, des filous et des prostituées, ainsi que des allégories de l'Enfer et du Paradis hors des canons religieux. On y reconnaissait des caricatures et portraits de personnalités politiques et littéraires—parmi eux Victor Hugo, Louise Michel, Georges Clemenceau, Léon Gambetta et divers journalistes et écrivains—certaines œuvres étant signées H. Témarral. Le décor comprenait aussi des scènes inspirées de romans contemporains et des motifs récurrents tels que le groupe le Chien, la Dame et l'Ami. En 1908 une grande partie des peintures fut recouverte et des caricatures dispersées ; après 1909 d'autres panneaux furent ajoutés ou repeints, notamment des œuvres signées Julien Grenault. Parmi celles-ci figurent des portraits de Louise Michel, un portrait du Père Lunette derrière son comptoir, une représentation de Sarah Bernhardt en Gismonda, ainsi que des scènes de mœurs et de filouterie ; ces dernières peintures ont été conservées. Le décor peint du cabaret constitue un exemple rare à Paris de peintures murales civiles antérieures à 1914 qui ne sont ni militaires ni religieuses.

Le cabaret inspira de nombreux auteurs et artistes : il fut décrit par Lucien Labbé, Joris‑Karl Huysmans et Georges Cain, chanté par Aristide Bruant et fréquenté par des poètes comme Ferdinand Fantin qui y déclamait ses textes. De nombreuses images documentent le lieu — dessins et gravures de la fin du XIXe siècle, photographies d'Eugène Atget, cartes postales et tableaux comme celui de Paul Schaan — et plusieurs contemporains ont cité d'autres artistes ayant participé au décor. Des peintures murales furent redécouvertes en 1999 par la propriétaire, le docteur Édith Verrier ; des campagnes de sauvegarde et de restauration furent ensuite menées, la Ville de Paris racheta la boutique en 2007 et la SEMAEST entreprit des travaux pour restituer la façade et restaurer les décors. Après avoir accueilli l'Espace commerce culturel, le cabaret abrite depuis janvier 2022 l'éditeur ediSens, qui tient une librairie‑bureau sous les peintures murales restaurées.

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