Camp de Péran à Plédran en Côtes-d'Armor

Patrimoine classé Vestiges Gallo-romain Camp antique

Camp de Péran à Plédran

  • La Chênaie de Péran
  • 22960 Plédran
Camp de Péran à Plédran Coupe
Camp de Péran à Plédran
Camp de Péran à Plédran
Camp de Péran à Plédran
Crédit photo : Auteur inconnu - Sous licence Creative Commons
Propriété de la commune ; propriété du département

Période

Protohistoire

Patrimoine classé

Le camp : classement par liste de 1875

Origine et histoire du Camp de Péran

Le camp de Péran, site archéologique situé sur la commune de Plédran (Côtes-d'Armor), a été transféré de l'État au conseil général par convention signée le 1er février 2008. Le site, occupé à plusieurs reprises depuis l'époque gauloise jusqu'au Moyen Âge, est notamment connu pour son utilisation comme forteresse à l'époque viking. Connu localement sous le nom de Pierres Brûlées, il est mentionné dès le premier quart du XIXe siècle et a fait l'objet de premières études entre 1820 et 1825 par A. Maudet de Penhouët, F. Rioust de l'Argentaye et Le Court de La Villethassetz, dont les résultats ne furent pas publiés. D'autres visites et sondages eurent lieu en 1841, 1846 et 1866, et l'interprétation du site a longtemps divisé les spécialistes entre oppidum gaulois transformé en fort romain et autres hypothèses, en partie à cause de la proximité, à environ 300 m à l'ouest, d'une importante voie romaine connue aujourd'hui sous le nom de Chemin de Noé. Eugène Viollet-le-Duc émit l'hypothèse que les fortifications seraient postérieures à l'époque romaine. Classé au titre des monuments historiques depuis 1875, le camp dépend conjointement de l'État pour les remparts et fossés et de la commune pour l'intérieur; il figure sur le plan cadastral de 1933. Une étude britannique de 1938-1939 l'inscrivit comme fortification du second âge du Fer et des campagnes de fouilles se sont déroulées entre 1983 et 1990 par l'association des Amis du Camp de Péran, puis à partir de 1991 sous la direction de Jean-Pierre Nicolardot, qui a confirmé une occupation longue et multiple.

Le camp est implanté près du hameau de Péran, à environ 160 m d'altitude sur un rebord de plateau dominant les vallées du Gouët et de l'Urne, à moins de dix kilomètres de la mer. Il occupe une surface d'environ un hectare et présente une forme elliptique de 160 m du nord au sud sur 140 m d'est en ouest; son côté oriental a été partiellement endommagé par la construction d'une route. L'ensemble défensif comprend, de l'extérieur vers l'intérieur, un grand fossé d'environ 4 m de large et 1,50 m de profondeur, une levée de terre à la base large de 3 à 4 m et très érodée en partie supérieure, un petit fossé étroit, un glacis d'argile formant un talus à 45° et enfin un rempart maçonné composé de pierres avec une armature de bois partiellement vitrifiée par un violent incendie. Le rempart repose sur une couche d'argile compactée; ses fondations associent moellons côté intérieur et gros blocs finement épannelés côté extérieur, et au‑dessus d'une assise de trois ou quatre rangées il devait soutenir une palissade de très gros troncs ancrés dans la maçonnerie. L'intensité du feu a provoqué une vitrification partielle des pierres et l'effondrement de l'enceinte, d'où le surnom de « château de verre ». L'entrée du camp n'a pas été localisée mais plusieurs accès distincts sont possibles; la construction apparaît soigneusement élaborée, sans que sa période précise de réalisation soit déterminée.

L'intérieur contenait des bâtiments d'habitation ainsi que des constructions domestiques, artisanales et agricoles, tous détruits par l'incendie mais identifiables par les vestiges de la couche de combustion. On y reconnaît des greniers sur plates‑formes élevées sur pieux, des silos et des écuries, attestés par la présence de diverses céréales (froment, avoine, seigle) et de litières; le site comprenait également une aire de battage et utilisait le chaume comme matériau de couverture et de litière. Un puits maçonné profond de 9 m fournissait de l'eau potable.

Les fouilles montrent quatre grandes phases d'occupation : la période gauloise, le Xe siècle, le XIIIe siècle et le XIXe siècle. Les vestiges gaulois se limitent à des fosses et fossés où furent retrouvées des céramiques de La Tène moyenne et finale. Le matériel daté du Xe siècle, découvert dans la couche d'incendie et dans le puits, comprend des pierres à aiguiser en schiste, des objets en bois, des fragments de textiles et de cuir, ainsi que des objets métalliques tels que peignes à carder, houe, haches, poêlons et chaudrons; l'un des chaudrons en tôle de fer, à tôles et attaches rivetées, est caractéristique de la période viking et comparable à un exemplaire retrouvé dans une tombe d'un chef viking sur l'île de Groix, ce type d'objet constituant un signe de prestige dans les sépultures scandinaves. Des armes et équipements militaires (épées, pointes de lances, élément de baudrier, umbo de bouclier) ainsi que des objets liés à la cavalerie (étrier, petit fer à cheval) ont également été mis au jour, mais hormis le chaudron, ces objets ne sont pas spécifiquement liés à la culture viking. Un denier d'argent frappé à York entre 905 et 925 par des Vikings fut retrouvé dans un joint d'argile d'un mur en pierres, découverte rare sur le territoire français. Huit datations radiocarbone réalisées sur des charbons de bois emprisonnés entre les blocs de la base du rempart indiquent que sa destruction intervient durant la première moitié du Xe siècle, période au cours de laquelle le camp semble avoir été occupé par une population de soldats‑cavaliers présentant des affinités avec les Vikings; cette implantation peut être mise en relation avec la bataille que la tradition situe vers 936‑940 entre Alain II dit Barbetorte et des Vikings retranchés près de l'embouchure du Gouët. Au XIIIe siècle, le site fut de nouveau fréquenté : un bâtiment pavé de carreaux en terre cuite fut édifié dans la partie ouest sur les ruines incendiées du Xe siècle et des monnaies d'Alphonse de Poitiers et du duc Jean Ier de Bretagne y furent découvertes.

Le matériel découvert est conservé au musée d'art et d'histoire de Saint‑Brieuc et dans les collections de la DRAC; parmi les pièces figurent notamment un fer à cheval (inv. D2019.1.4), une houe (inv. D2019.1.6), un fer de hache (inv. D2019.1.3), un peigne à carder (inv. D2019.1.13), une épée (inv. D2019.1.11), un chaudron (inv. D2019.1.9) et un étrier (inv. D2019.1.2), tous déposés par la SRA de Bretagne au Musée d'Art et d'Histoire de Saint‑Brieuc. La tradition populaire a entouré le site de plusieurs légendes, évoquant les Moines Rouges et une châsse d'or renfermant le corps de sainte Suzanne et un trésor, un incendie prétendument prolongé pendant sept années, et l'existence d'un souterrain permettant de sortir secrètement du camp. Le camp de Péran a enfin été représenté dans la bande dessinée Vikings, Rois des Mers.

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