Origine et histoire du Camp romain
Un camp romain est une installation, durable ou provisoire, édifiée par les armées romaines pour protéger leur cantonnement. Contrairement aux autres armées antiques, les légions établissaient systématiquement un camp fortifié (castrum, castra au pluriel) dès qu'elles quittaient une zone totalement sûre. Cette pratique est très ancienne et remonte peut‑être aux réformes de Camille ; Marius l'a codifiée par la suite.
Les camps suivaient un modèle idéal décrit notamment dans le De munitionibus castrorum et par Polybe. Le choix du site était crucial : lieu défensif souvent sur un terrain élevé mais relativement plat, proximité d'eau et de forêts pour les matériaux, bon drainage et vue sur les voies de communication. Des arpenteurs (mensorēs) traçaient ensuite le plan rectangulaire à l'aide d'outils tels que la groma, en centrant le camp sur l'intersection de la via praetoria et de la via principalis, qui divisait l'espace en quartiers organisés.
Quatre portes principales s'ouvraient aux points cardinaux : la porta praetoria face à l'ennemi, la porta decumana à l'arrière et deux portes principales latérales défendues par des tours. En l'absence d'enceinte maçonnée, le vallum comprenait un fossé en V et une palissade à deux rangées comblée de terre, complétés parfois par des fosses à pieux et des obstacles végétaux ; des tours et positions pour l'artillerie longeaient la muraille. À l'intérieur, l'intervallum formait une zone tampon utile pour capter les projectiles, accéder au mur et stocker des matériaux, et la via sagularis suivait le pourtour intérieur de la défense.
La via praetoria et la via principalis structuraient le camp en praetentura (vers le front) et retentura (à l'arrière), tandis que la zone centrale entre la via principalis et la via quintana, appelée latera praetorii, regroupait les bâtiments essentiels : la principia (quartier général), le praetorium, les thermes et le valetudinarium. Casernes et entrepôts (horrea, carnarea), ateliers, écuries et l'armamentarium occupaient les côtés ; la via decumana reliait la porta decumana à la via quintana.
Chaque cohorte disposait en général de six blocs de casernes, souvent alignés par paires face à face ; ces bâtiments rectangulaires, de 30 à 100 mètres de long sur 7 à 15 mètres de large, étaient divisés en contubernia réunissant en moyenne 10 à 13 soldats. Chaque contubernium comprenait une pièce avant et une pièce arrière et la plupart des casernes possédaient un passage couvert le long de la façade. Les centurions logeaient dans des maisons individuelles proches ou attenantes, les officiers supérieurs dans des résidences plus vastes, et la première cohorte bénéficiait de casernes et de logements de meilleure qualité. Dans les régions froides, les tentes pouvaient être remplacées par des baraquements en bois ou en pierre, dotés d'une cheminée et de lits superposés.
L'approvisionnement en eau déterminait l'implantation : une source permanente à l'intérieur des murs était préférable et, à défaut, on creusait des puits doublés de bois ou de maçonnerie pour atteindre la nappe phréatique. Les forts comprenaient des latrines publiques à sièges au‑dessus d'un canal d'eau courante, des latrines pour les officiers et des bains publics composés d'apodyterium, frigidarium, tepidarium et caldarium, souvent complétés par une palaestra et une piscina. Les estimations mentionnent qu'un soldat avait besoin d'environ 2,5 litres d'eau par jour pour boire et cuisiner, des quantités supplémentaires étant nécessaires pour les chevaux, les bains, les ateliers et l'entretien.
Autour des castra se développaient des agglomérations — canabae pour les forteresses légionnaires, vici pour les places auxiliaires — où marchands, artisans, familles et autres civils fournissaient nourriture, équipement et services. Ces villages, qu'ils bordent les voies d'accès, longent le camp ou forment un anneau, regroupaient des bâtiments longs et étroits mêlant boutiques et logements en façade, avec ateliers, écuries et puits à l'arrière.
La vie quotidienne était réglée : le réveil signalé par la buccina précédait l'inspection matinale, l'entraînement physique et les exercices de combat ; les soldats effectuaient aussi travaux d'entretien, gardes et patrouilles. Le repas de midi (prandium) était généralement léger, la cena du soir plus substantielle, et le temps libre permettait des activités sociales, religieuses ou l'entretien du matériel. La combinaison d'un plan standardisé, d'installations sanitaires, d'une organisation militaire stricte et d'une économie civile annexe faisait des castra des lieux à la fois défensifs, logistiques et communautaires.