Origine et histoire de la Casamaures
La Casamaures est une villa néo‑mauresque située à Saint‑Martin‑le‑Vinoux, sur le coteau du mont Jalla, aux portes nord de Grenoble (Isère). Construite pour Joseph Jullien dit Cochard dans la seconde moitié du XIXe siècle, elle illustre le goût orientaliste et s’inspire des décors ottomans. L’édifice se distingue par l’emploi précoce du ciment moulé, technique développée par les frères Vicat, qui permet d’imiter la pierre par moulage et préfabrication. La structure, assemblée à partir d’éléments moulés sur quatre niveaux, compte trente‑six fenêtres et cinquante‑deux colonnes à chapiteaux bulbés rehaussées de bleu outremer artificiel. Son décor associe arcatures outrepassées, moucharabiehs en bois, vitraux polychromes et une toiture en zinc couronnée d’un acrotère formé d’une centaine de moulures en forme de cœurs trilobés. L’intérieur comprend un jardin d’hiver inspiré des yalıs du Bosphore, un salon, une salle à manger, un vestibule et des chambres privées, ornés de papiers peints, décors peints et éléments exotiques. Un système hydraulique d’origine alimentait onze bassins et fontaines par gravitation depuis une citerne enterrée jusqu’à l’Isère. Après de nombreux changements de propriétaires et des périodes d’abandon, la villa a été achetée en 1981 par l’artiste Christiane Guichard, qui a engagé des campagnes de restauration et rebaptisé le site La Casa Maures/Cas’amore. La Casamaures a été inscrite à l’inventaire des monuments historiques en 1985, classée en 1986 et l’ensemble de la parcelle a été classé en 1992. Les travaux de conservation ont restitué des éléments en ciment moulé, notamment des garde‑corps et l’acrotère, et ont rétabli la toiture en zinc et les couleurs d’origine. Le groupe Vicat a soutenu ponctuellement certaines restitutions et l’architecte en chef des Monuments historiques a supervisé des reconstructions à l’identique. Le site accueille trois associations : La Casamaures d’hier et d’aujourd’hui, l’Atelier Tournesol, spécialisé en gnomonique, et Le Tilleul de Sully ; l’association principale organise visites guidées et manifestations culturelles. L’orangerie sert de salle d’exposition et de siège associatif ; son parvis accueille un grand cadran solaire réalisé par l’Atelier Tournesol. Le parc en terrasses, qui dominait l’Isère, comportait jadis un verger et un arboretum exotique ; il conserve aujourd’hui des jardins reconstitués mêlant plantations et œuvres contemporaines. Parmi les arbres, un magnolia ancien, dernier témoin de l’ancien parc, a reçu le label « Arbre remarquable de France ». Les jardins abritent des collections d’agrumes, de palmiers, de bananiers et d’autres plantes méridionales et tropicales adaptées au lieu. L’entrée visiteurs se situe côté rivière et jardins, au 58 allée de La Casamaures, accessible aux piétons et aux cyclistes et proche de l’arrêt « Casamaures – Village » de la ligne E du tramway. La Casamaures illustre à la fois l’engouement orientaliste du XIXe siècle et l’innovation technique portée par l’industrie du ciment naturel prompt, dite « or gris ». Les interventions successives ont permis de restituer des décors, de consolider le ciment prompt et de faire connaître le savoir‑faire des mouleurs grenoblois. Le monument reçoit chaque année des visiteurs et a été distingué par plusieurs prix régionaux et nationaux pour sa restauration et la valorisation du patrimoine.