Patrimoine classé
Les bâtiments suivants de la caserne de pompiers Jacques Vion (plan 2 annexé à l’arrêté), en totalité : le hall du gros matériel dit aussi « grand garage », le gymnase, la tour de séchage, l’abri de la pompe à essence, la cour d’honneur avec les passages couverts, la salle de conférence, le bloc de l’administration, à l’exclusion de la piscine et de la fosse de plongée. Sont également inscrites les façades et toitures des immeubles de logement des sapeurs-pompiers, des officiers et des célibataires – tel que délimité en rouge sur le plan 1 annexé à l’arrêté. Les bâtiments susmentionnés sont situés aux n° 15 et 19 allées Charles-de-Fitte, sur les parcelles 205, 534, 535, 536, 540, 541, 749, 751, figurant au cadastre section AH : inscription par arrêté du 14 septembre 2023
Personnages clés
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| Pierre Debeaux |
Architecte concepteur de la caserne de pompiers Jacques-Vion. |
| Roger Brunerie |
Architecte ayant établi le plan masse du vaste ensemble urbain. |
| Roger Krebs |
Ingénieur responsable des études structurelles complexes. |
| Jacques Vion |
Lieutenant des pompiers décédé en intervention, donnant son nom à la caserne. |
| Jean Dieuzaide |
Photographe ayant documenté le chantier en 1970. |
Origine et histoire
La caserne de pompiers Jacques-Vion, située au 17 allées Charles de Fitte à Toulouse, a été conçue par l'architecte Pierre Debeaux et réalisée entre 1966 et 1972 pour le compte de la ville. Elle constitue l'une des réalisations les plus remarquables de l'architecture moderne à Toulouse et reçoit le label « Architecture contemporaine remarquable » depuis 2019 ; elle est inscrite au titre des monuments historiques depuis le 14 septembre 2023. Le projet s'inscrit dans un vaste ensemble urbain dont la ville avait acquis le terrain en 1955 et pour lequel Roger Brunerie avait établi le plan masse ; Pierre Debeaux a développé le programme à partir de 1964 et a fait appel à l'ingénieur Roger Krebs pour les études structurelles les plus complexes. Le Centre de secours principal porte le nom du lieutenant Jacques Vion, entré au corps en 1960 et décédé lors d'une intervention le 3 octobre 1970 ; le CSP compte 138 sapeurs-pompiers professionnels. Le photographe Jean Dieuzaide a documenté le chantier par une série de clichés en 1970 et l'initiative de protection patrimoniale portée par un collectif a abouti à l'inscription aux monuments historiques en 2023.
Le programme de la caserne regroupe des fonctions très diverses : un hall pour les véhicules de secours d'environ 930 m2, un immeuble de 12 étages de logements pour les sapeurs comportant 75 appartements sur étages et des ateliers en rez-de-chaussée, un immeuble pour les officiers de cinq étages avec neuf appartements, un bâtiment administratif regroupant logements pour célibataires, bureaux, dispatching et salle d'honneur, ainsi que des vestiaires, une coopérative et un mess en rez-de-chaussée. L'équipement comprend en outre une salle de conférence, une station-service, une tour de séchage et d'entraînement, un gymnase, une piscine de 25 mètres et une fosse de plongée de 10 mètres destinée à l'entraînement des plongeurs. Chaque partie a fait l'objet d'études fonctionnelles particulières et les différents éléments sont reliés pour constituer un ensemble cohérent.
Le site est organisé autour de trois grands vides : la cour de manœuvre au sud, dominée par la tour de séchage qui joue le rôle d'un campanile ; un grand espace de villégiature au nord, avec plantations, piscine extérieure et fosse de plongée ; et, entre le site et les allées, une cour d'honneur qui articule l'espace public et les lieux intérieurs, entourée d'une galerie aux plafonds voûtés évoquant un cloître. La caserne se distingue dans le tissu urbain par le garage des véhicules couvert d'une toiture en béton à double courbure en porte-à-faux de 6 mètres sur 36 mètres. Tous les bâtiments reposent sur des pilotis sauf la salle de conférence, qui émerge du sol comme contrepoint, et le bâtiment de douze étages pose son rez-de-chaussée en double hauteur sur un plancher-champignon rappelant l'Unité d'habitation.
Pierre Debeaux a développé des solutions plastiques et structurelles innovantes, combinant surfaces réglées à double courbure en béton et structures tridimensionnelles auto-tendantes. Les voûtes mince de 8 cm d'épaisseur, réalisées par projection du béton sur des coffrages définis par des ensembles de droites, couvrent notamment le hall du grand matériel, la salle de conférence, le salon d'honneur et les galeries. Le grand hall se présente comme une voûte colossale reposant sur quatre piliers puissants ; ses façades et portes sont indépendantes de cette coque. La salle de conférence est traitée selon le même principe structural, sous la forme d'un hyperboloïde de révolution incliné et porté par paraboloïdes hyperboliques.
Les ateliers en rez-de-chaussée bénéficient d'un plan libre grâce à des arcades suspendues par des suspentes en acier aux poutres saillantes de la façade sud des logements. Des charpentes métalliques tridimensionnelles non triangulées couvrent le hall et le gymnase ; leurs trames de huit par treize modules s'inscrivent dans une logique numérique évoquant la suite de Fibonacci et un rapport proche du nombre d'or. La tour de séchage, de plan pentagonal, développe onze paliers pentagonaux desservis par des escaliers enchâssés et en encorbellement, tandis que d'autres éléments — poteaux en V du gymnase, escalier du salon d'honneur, cheminées, édicules de toiture et la station-service — témoignent de créations originales et soignées. Le recours majoritaire au béton brut ne confine pas l'ouvrage au brutalisme : Debeaux revendiquait une libre interprétation des principes vitruviens utilitas, firmitas, venustas.
La caserne Jacques-Vion illustre ainsi la synthèse du souci fonctionnel et de l'invention structurelle chez Pierre Debeaux, qui a reçu le prix Charles-Henri Besnard pour le nouveau type de charpente tridirectionnelle mis en œuvre sur ce chantier.