Origine et histoire
Le Castel d'Orgeval est une villa de style Art nouveau située 2 avenue de la Mare-Tambour à Villemoisson-sur-Orge, dans l'Essonne, au sud de Paris. Construite entre 1904 et 1905 par Hector Guimard, elle s'inscrit dans une série de demeures balnéaires et campagnardes caractéristiques de sa période créative et en marque en partie la fin. Propriété privée non visitable, certaines de ses parties figurent depuis 1975 sur l'inventaire supplémentaire des monuments historiques pour la protection de ses façades et toitures.
Le Castel d'Orgeval fait partie des nombreuses villas que Guimard a édifiées avant la Première Guerre mondiale, époque où sa notoriété, liée notamment au Castel Béranger (1898) et à ses travaux pour le métro de Paris, lui vaut de nombreuses commandes. Parallèlement aux immeubles parisiens, il reçoit beaucoup de demandes pour des maisons de campagne et de bord de mer, parmi lesquelles la Bluette, la Sapinière, le Castel Henriette, le Modern Castel, le Castel Val et la Surprise. En 1904, le promoteur Achille Laurent acquiert un terrain aux confins de Villemoisson et Morsang-sur-Orge pour y créer le lotissement Parc Beauséjour destiné à une clientèle petite-bourgeoise ; le Castel d'Orgeval en constitue la première réalisation, suivie en 1906 des villas Rose d'Avril (démolie) et Clair de Lune (transformée). Si les documents permettent mal de reconstituer toutes les étapes de sa construction et l'évolution de ses aménagements intérieurs, la villa a été saluée et photographiée dès son achèvement. Le portail d'origine a été détruit dans les années 1950 ; la villa a fait l'objet d'une restauration en 1980 menée par l'architecte Jean-Paul Deschamps, une maquette a été réalisée en 2007 pour l'ouverture de la Cité de l'architecture et du patrimoine, et en 2014 le Castel a illustré un reportage sur l'utilisation de la pierre de meulière en Île-de-France.
Architecturalement, le Castel d'Orgeval est une villa de maturité qui témoigne d'un assagissement progressif de l'imagination de Guimard, oscillant entre la fantaisie onirique de sa première période et une ligne plus épurée de ses œuvres ultérieures. Librement implantée au cœur d'un parc, elle prolonge et aboutit les propositions décoratives et architecturales développées à partir du Castel Henriette, selon l'historien Georges Vigne, et présente une grande asymétrie parfaitement équilibrée. Les matériaux employés sont variés mais sobres : meulière, brique claire et bois pour les balcons et le soutien des avant-toits dominent, ponctués par quelques éléments en pierre de taille. L'originalité se manifeste par les arrondis des murs qui abolissent presque la notion de façade, par la diversité des ouvertures et par une toiture à l'imbrication complexe ; Philippe Thiébaut souligne le nombre important de terrasses et de tours, chaque volume étant surmonté d'un toit ou d'un auvent. Fidèle au principe de l'Art nouveau, l'extérieur et l'intérieur ont été conçus en symbiose : l'organisation intérieure reste assez conventionnelle — pièces de réception ouvrant sur le jardin, chambres à l'étage — et Guimard a dessiné l'ensemble de la décoration.
Le Castel d'Orgeval est souvent cité comme un sommet du « style Guimard » en architecture privée, ses lignes courbes lui donnant parfois l'allure d'un champignon. Pour Philippe Thiébaut, toutefois, les dernières réalisations perdent un peu de fluidité au profit de ressauts brusques et d'emboîtements à angle droit, des effets qu'il rapproche d'influences japonaises et de Viollet-le-Duc ; il note aussi l'emploi de bois de charpente débité à la machine pour les balcons et avant-toits. Georges Vigne observe du même ordre l'inspiration japonisante du toit de la plus haute tour, évoquant un casque de samouraï plutôt que le clocheton ajouré du Castel Henriette. Thiébaut conclut qu'il est difficile d'établir une parenté de conception stricte entre ces villas individuelles : elles répondent avant tout à l'adaptation de l'architecture aux sites, aux besoins et aux moyens des commanditaires, et dès les années 1905-1910 Guimard propose également des maisons sur catalogue tout en étant de plus en plus sollicité pour des immeubles à Paris.