Castrum d'Andone à Villejoubert en Charente

Patrimoine classé Forteresse

Castrum d'Andone à Villejoubert

  • D114
  • 16560 Villejoubert
Castrum dAndone à Villejoubert
Castrum dAndone à Villejoubert
Castrum dAndone à Villejoubert
Castrum dAndone à Villejoubert
Crédit photo : Jack ma - Sous licence Creative Commons
Propriété privée

Frise chronologique

Haut Moyen Âge
Moyen Âge central
Bas Moyen Âge
Renaissance
Temps modernes
Révolution/Empire
XIXe siècle
Époque contemporaine
1000
1100
1800
1900
2000
1020-1028
Abandon du site
Milieu du Xe siècle
Fondation du castrum
Fin du Xe siècle
Conflits et apogée
XIXe siècle
Identification du site
1971-1995
Fouilles archéologiques
2004-2005
Fouilles complémentaires
Aujourd'hui
Aujourd'hui

Patrimoine classé

Castrum d'Andonne (cad. C 293) : classement par arrêté du 13 août 1986

Personnages clés

Arnaud Manzer Comte d'Angoulême impliqué dans des conflits avec l'évêque Hugues de Jarnac.
Hugues de Jarnac Évêque en conflit avec le comte Arnaud Manzer.
Guillaume IV Comte d'Angoulême ayant apaisé les tensions avec l'évêque.
André Debord Archéologue ayant mené des fouilles sur le site de 1971 à 1995.
Luc Bourgeois Archéologue ayant mené des fouilles sur le site en 2004-2005.

Origine et histoire du Castrum d'Andone

Le castrum d'Andone est une fortification carolingienne située sur la commune de Villejoubert, en limite du département de la Charente, et occupée du milieu du Xe au premier quart du XIe siècle. La résidence a été fondée dans la seconde moitié du Xe siècle par des membres de la famille comtale d'Angoulême, apparentés à la dynastie carolingienne. Le choix du site s'explique par la proximité du massif forestier de la Boixe, le contrôle de l'abbaye de Saint-Amant et la proximité de la voie d'Agrippa, située à 600 m au nord-ouest. L'implantation semble surtout liée aux conflits entre le comte Arnaud Manzer (975-988) et l'évêque Hugues de Jarnac, l'évêque disposant de deux résidences visibles depuis Andone. Le conflit s'apaise à l'époque de Guillaume IV (988-1028) et le site perd alors son intérêt stratégique. Entre 1020 et 1028, le comte et l'évêque s'entendent pour transférer la résidence comtale à Montignac, sur les bords de la Charente, et l'abbaye Saint-Amant est déplacée de la Macarine vers ce nouveau pôle d'habitat ; l'ancien castrum est alors définitivement abandonné. Un petit habitat rural appelé Andone subsiste aux XIIe et XIIIe siècles, peut‑être à l'emplacement du logis de la Barre à partir de la seconde moitié du XVe siècle, et l'emprise de l'ancienne forteresse est convertie en garenne à lapins.

Le site, identifié au XIXe siècle, a fait l'objet de fouilles systématiques à partir de 1971 ; André Debord y a travaillé de 1971 à 1995 et Luc Bourgeois a poursuivi des campagnes en 2004-2005. Le castrum, sous lequel se développe une cavité, a été classé monument historique par arrêté du 13 août 1986. Actuellement, le site est de nouveau envahi par la végétation et son accès n'est plus signalé sur le terrain, étant indiqué comme « la Garenne » sur la carte IGN.

La butte naturelle d'Andone domine la plaine à 400 m au sud du château de la Barre et a été remaniée par les constructeurs du Xe siècle. Elle recouvre une nécropole du premier âge du fer et un petit établissement rural gallo-romain occupé jusqu'au IVe siècle ; le matériel exhumé (hache, épée longue, poterie, etc.) est conservé au musée d'Angoulême. Au sommet, une enceinte maçonnée ovale protège un espace de 2 000 m2 ; elle présente une épaisseur de 2 mètres et une élévation d'environ 8 mètres, couronnée d'un chemin de ronde crénelé et accessible en deux points par des échelles. L'enceinte s'ouvre par un portail oriental et une poterne occidentale, deux ponts de bois franchissant un fossé séparé de la muraille par un large glacis en argile ; l'attribution de cette enceinte à l'époque gallo‑romaine est aujourd'hui abandonnée.

Les bâtiments en pierre, adossés à la courtine, communiquent avec deux cours abritant des structures annexes en bois. Au nord se trouve un complexe résidentiel en L organisé autour d'une grande aula de réception vitrée, qui surplombe une salle basse obscure ; la salle d'étage évoque un précurseur du donjon médiéval habité. Au sud, un bâtiment de plain-pied comprend quatre pièces utilisées notamment comme écurie, forge et stockage. Faute d'avoir pu creuser un puits dans l'enceinte, les occupants ont utilisé un puits antique situé devant la poterne ouest et les sources jaillissant au pied de la butte. L'occupation brève du site, sur deux générations, en fait un jalon dans la genèse du castrum médiéval, intermédiaire entre les résidences carolingiennes ouvertes et les châteaux du XIe siècle.

Le mobilier découvert est exceptionnel : plus de 400 000 objets, dont 116 000 ont fait l'objet d'une étude systématique, permettent de mieux connaître la vie quotidienne d'un groupe aristocratique au Xe siècle. Les occupants sont avant tout des cavaliers : des milliers de pièces témoignent du développement du ferrage des équidés et incluent notamment des fers orthopédiques parmi les plus anciens attestés en Occident. Les armes de guerre, coûteuses et symboliques, sont peu présentes dans les dépotoirs, mais quelques fragments d'armures à plaques (broignes) ont été retrouvés. À l'inverse, l'armement de chasse est abondant : épieux, armes de trait comme l'arc et l'arbalète, lourdes trompes d'appel en terre cuite, ainsi que des indices de dressage de rapaces et d'une meute de chiens. Les restes de faune sauvage représentent près de 4 % des vestiges animaux ; le cerf est le gibier principal, suivi du lièvre et du sanglier, et de nombreuses espèces d'oiseaux sont également chassées.

Les animaux d'élevage fournissaient l'essentiel de l'alimentation carnée, avec une abondance de porc, une forte proportion d'animaux consommés jeunes et la présence d'espèces de prestige comme le paon, ce qui confirme le rôle du site comme centre d'un domaine rural inséré dans un paysage ouvert et majoritairement cultivé. La vaisselle de cuisine, répétitive, comporte toutefois des types absents des habitats ruraux contemporains : mortiers pour épices, vases glaçurés probablement adaptés aux sauces et une abondante série de verres à boire témoignent d'une cuisine plus élaborée, tandis que le reste du service, en bois ou en métal, n'a pas été retrouvé. Le mobilier domestique est principalement constitué de coffres et de coffrets ; les foyers livrent peu d'aménagements, l'éclairage reposait sur des lampes à suif en terre cuite et en pierre, et l'hygiène paraît médiocre, comme l'attestent de nombreux restes de rat noir et des couches de litières empilées.

Le site a également livré des pièces de jeux : une petite série de pièces d'échecs, parmi les plus anciennes attestations occidentales de ce jeu originaire d'Extrême-Orient, et de nombreux pions de jeux de tables proches du trictrac ou du backgammon, jeux qui restent jusqu'au XIIe siècle l'apanage de l'aristocratie.

Les activités artisanales sont bien attestées : le travail du fer est omniprésent, plus de 8 000 pièces en fer ayant été retrouvées, et les forgerons produisaient fers et clous pour équidés, armatures de flèches, carreaux d'arbalète et divers objets. Un petit artisanat sur bois de cerf, pratiqué sous la grande salle, a fourni pièces d'arbalète, plaquages pour coffrets et éléments de jeu ; le peignage et le filage de fibres textiles (laine, lin, chanvre) indiquent la présence féminine. Malgré tout, les occupants n'étaient pas en autarcie : des agrafes de manteaux germaniques et anglo-saxonnes, de la vaisselle islamique, des perles de verre au plomb produites dans des comptoirs danois du nord de l'Angleterre et une coupe proche-orientale imitant le céladon chinois témoignent du large horizon économique des comtes de la dynastie Taillefer.

À une centaine de mètres du castrum, une tombe isolée a livré quatre hommes déposés les uns sur les autres ; leurs ossements portent les traces de coups portés par des armes de type hache ou épée ayant causé leur mort.

Liens externes